La ruée vers l'orgasme
Les impures (1973) de Torgny Wickman avec Christina Lindberg

L’archéologue du cinéma érotique que je me targue de devenir s’éloigne aujourd’hui délibérément de nos francophones contrées pour se rendre en territoire scandinave et plus précisément en Suède d’où arriva dès les années 60 un fameux « déferlement d’érotisme » (dixit la publicité). Quoi de plus logique que de remonter le cours du torrent pour se replonger dans la fraîcheur de ses origines ? Ne riez pas, vous les taste-fesses amateurs vous contentant de l’affligeante pornographie actuelle aussi morne, huilée et fausse qu’un discours présidentiel ! Vous qui vous contentez de ces actrices hideusement communes, fabriquées en laboratoire et aussi dénuées de charme que de pilosité (qui osera enfin s’insurger contre une telle infamie !) ; vous ne pourrez sans doute pas goûter les capiteux parfums que renferment ces vieilleries de l’érotisme européen.
Sachez néanmoins que Torgny Wickman, dont un certains nombres de films sortirent sur nos écrans (journal intime d’une demi-vierges (sic), les brebis du révérend, les envoûtées ou encore Parties carrées : prenez des notes, je vous prie !) contribua en grande partie à la légalisation de la pornographie dans son pays en oeuvrant dans un genre qui nous est cher : l’hygiene picture.
Il s’agit d’un genre qui, en quelque sorte, prit le relais des très sérieux educational films ; œuvres informatives et préventives où s’illustra un cinéaste comme…John Ford ! Avec Sex hygiène (visible ici), le roi du western contribua à l’effort de guerre de ses compatriotes en mettant en garde les troufions contre les dangers de la blennorragie à travers une petite fiction (« l’histoire d’un « béret vert » se faisant plomber dans un bordel » d’après Bouyxou) dont on savoure aujourd’hui la ringardise. Encore plus ringards, les films destinés aux jeunes adolescents pour les édifier sur la puberté (je vous invite à aller voir l’ineffable Molly grows up).
Les hygiene pictures se targuent, eux aussi, d’un prétexte informatif, « scientifique » ou pédagogique mais c’est davantage pour refourguer quelques séquences salées : « Longtemps, les hygiene pictures furent les seuls films où étaient visibles des organes génitaux, féminins et masculins. D’où, bien sûr, leur tenace succès… » (Bouyxou). Hautement racoleur, le genre se développa un peu partout en Europe mais surtout en Allemagne (de la série des Helga à la mythique saga des Schulmädchen report, « les images de ces teutonneries gynécologiques devenaient de plus en plus yop-la-boum : il ne s’agissait plus de mettre les adolescents en garde contre les maladies vénériennes ou les grossesses indésirées, mais d’expliquer aux adultes, à l’aide de saynètes zizi-panpanesques, comment « bien » faire l’amour. » (Bouyxou)) et en Suède.
Et c’est là que nous retrouvons notre Torgny Wickman (je ne vous égare pas plus longtemps !) puisque notre bonhomme provoqua un tintouin de tous les diables en réalisant Le langage de l’amour (Kärlekens spràt en VO) et deux suites présentées également par des sexologues professionnels (XYZ de l’amour en 71 et L’amour tel que nous le faisons en 72).
Les impures n’est pas, loin s’en faut, un hygiene picture, mais si je me suis permis cette petite digression, c’est que l’on retrouve certaines de ses caractéristiques dans le film de Wickman. Jugez plutôt : Anita est une jeune lycéenne bien malheureuse qui multiplie les aventures sexuelles avec les premiers hommes qui lui tombent sous la main. Elle rencontre un jour Eric, un étudiant, qui tente de comprendre cette nymphomanie galopante et de la guérir…
Le cinéaste joue sur les deux tableaux : d’un côté, un érotisme plutôt débridé quoique « soft », de l’autre, un discours psychologisant d’une rare naïveté et d’un incroyable moralisme. A l’instar du Je suis une nymphomane de Max Pécas (on a les références que l’on peut !), le film tient un discours incroyablement conservateur sur la sexualité. La nymphomanie d’Anita s’explique, dixit Eric, par sa situation familiale (classique : la petite a perdu ses parents et vit chez un oncle et une tante qui la néglige) et par le fait qu’elle n’est jamais parvenue à atteindre l’orgasme. Or, cet orgasme, elle ne pourra l’atteindre que dans une situation « stable » et dans le cadre des liens sacrés du mariage ! On croit rêver ! La date anniversaire de Mai 68 nous invitant à nous replonger dans les ouvrages de Reich, nous constaterons sans peine que la jouissance féminine, forcément déstabilisatrice, est ici brimée et recadrer dans le cadre institutionnel du couple « légal » !
Bref, le résultat est cucul au possible, filmé à la diable et on s’endormirait vite si le rôle principal n’était pas tenu par la divine Christina Lindberg dont le maître Jean-Pierre Bouyxou (vu la manière éhontée dont cette note le pille, je lui suis redevable d’une chopine !) apprécie en connaisseur qu’elle soit « dotée d’une des plus magnifiques poitrines de l’histoire du cinéma » (ce que je vous confirme et vous invite tout de suite à vérifier ici si, bien entendu, vous êtes un adulte averti !). Outre la beauté sculpturale de son corps, le petit nez pointu et la moue boudeuse de l’actrice l’ont immédiatement propulsée aux premières loges de mon cœur aux côtés de Lina Romay, Soledad Miranda et Edwige Fenech !
De plus, la belle fut l’interprète d’un film mythique que je rêve absolument de voir : Thriller, en grym film d’Alex Fridolinski (alias Bo Vibenius ou encore Ron Silberman Jr). Si vous allez voir sa bande-annonce, vous constaterez que ce film fait partie de ceux que Tarantino a pillés…