La punition (1973) de Pierre-Alain Jolivet avec Karin Schubert, Marcel Dalio

 

Vous souvenez-vous de la belle reine blonde dont tombait amoureux Yves Montand dans La folie des grandeurs ? Eh bien cette actrice diaphane et virginale a pour nom Karin Schubert et il n’est pas inutile de savoir qu’elle débuta (pardon de démystifier ainsi les icônes de notre enfance !) dans de petits skinflicks (« films de peau ») danois à la fin des années 60 avant de devenir un peu connue dans les années 70 (notamment grâce à Oury et Boisset) et de retourner dans le giron du cinéma bis européen (nous aimerions la voir chez Joe d’Amato) et le porno à partir des années 80 (eh oui !).

Avant cela, Karin Schubert fut l’interprète principale de la punition, drame dont les audaces érotiques (bien relatives lorsqu’on les découvre aujourd’hui) firent scandales à l’époque.

Le film est une adaptation d’un roman signé Xavière et dont les dialogues furent coécrits par Jolivet et… Richard Bohringer !

La belle joue ici le rôle de Britt, une prostituée récalcitrante, un jour conduite dans une maison isolée et livrée aux fantasmes de clients particulièrement pervers…

Que le lecteur friand de chair fraîche ne se fasse pas trop d’idées : malgré quelques scènes gentiment sadiques, le film reste très « soft » et n’outrepasse jamais les limites de la bienséance. Ce ne sont pas quelques coups de fouets qui iront chercher bien loin !

Néanmoins, cette réserve (liée au contexte de l’époque et à la censure pas totalement assouplie sans doute) n’empêche pas La punition de présenter un certain intérêt, surtout si on le compare à un film au sujet voisin comme l’affreux Histoire d’O de Just Jaeckin.

La première scène est vraiment intrigante : le cadre est plutôt inventif, la photo très soignée et Pierre-Alain Jolivet (à ne pas confondre avec Pierre Jolivet, l’auteur de Fred et Ma petite entreprise) joue sur l’étrangeté d’une bande-son très travaillée (à base de bruits biscornus et de sonorités industrielles).

Par la suite, le cinéaste s’amuse à bouleverser la chronologie en faisant se succéder des tableaux qui ne formeront qu’un dessin global à la toute fin du film.

Je sais bien que cette oeuvre n’est pas facilement assimilable au genre « érotique » mais si nous décidions de le juger à l’aune dudit genre, nous remarquerions sans peine un véritable travail de mise en scène et une certaine ambition dont furent souvent dénuée les tâcherons des parties de fesses bâclées !

Certains plans de La punition sont vraiment très beaux, je pense notamment à l’arrivée de ce client en costume et chapeau melon semblant sortir d’une toile de Magritte. Il ne se passe rien entre lui et Britt mais la succession de plans qui scellent leur fugitive union est absolument magnifique. Je me répète mais le cadre est toujours assez intelligent, parvenant à mettre en valeur la nudité de certains décors (la pièce où Britt est enfermée) et la photo m’a paru fort belle.

Malheureusement, au bout d’une cinquantaine de minutes, je me suis dit que le film de Jolivet ne parviendrait jamais à la cheville du Belle de jour de Buñuel auquel on songe parfois (notamment en raison de l’ambiguïté du « ressenti » de l’héroïne, entre la culpabilité et la complaisance pour tous ces fantasmes). D’une part, parce que malgré son indéniable talent décoratif, Karin Schubert n’est pas une très bonne actrice et le fait qu’elle ne maîtrise visiblement pas le français n’arrange pas les choses (elle débite ses dialogues de manière saccadée et totalement fausse). D’autre part, parce que l’intelligence de la mise en scène de Jolivet n’empêche aucunement son film d’être totalement glacial ! Et puisque je me dois d’être totalement franc, je trouve que le principal défaut de La punition est de ne dégager aucune émotion.

Ne jouant ni la carte du baroque échevelé (on l’espère au vue de la première séquence), ni du mélodrame et en ne tablant ni sur la sensualité des situations, ni sur leur ambiguïté ; le cinéaste se contente de bâtir un igloo d’où rien ne s’échappe. 

Ce n’est pas honteux et c’est même plutôt intéressant par moment mais c’est froid, désincarné et, du coup, un peu ennuyeux aussi…

 

NB : L’intitulé de cette note m’est inspiré par le titre d’un roman de Jean-Pierre Bouyxou édité chez La Brigandine. Cela me donne l’occasion de vous renvoyer chez l’ami Losfeld qui consacre une note sublime à ces éditions coquines friandes de jeux de mots aussi foireux que délicieux !

 

NB 2 : Les plus âgés et les moins sensibles d’entre-vous, capables de supporter de voir s’envoler leurs illusions de jeunesse (à savoir la contemplation de l’inaccessible reine de La folie des grandeurs nue)  pourront se reporter au blog de ce maniaque fort sympathique…

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