Vagina dentata
Teeth (2007) de Mitchell Lichtenstein avec Jess Weixler
Si Teeth présente au moins un intérêt, c’est comme symptôme de l’évolution du puritanisme anglo-saxon. Nul n’ignore désormais l’argument principal de ce film pour le moins singulier puisqu’il met en scène une jeune adolescente (craquante Jess Weixler) dotée d’un « vagina dentata » (je vous fais grâce de la traduction !). On sait que le cinéma fantastique s’est souvent nourri de cette phobie du sexe féminin et s’est plu à l’associer à la mort. Tout le mythe du vampirisme est irrigué par cette analogie entre la bouche des femmes et leurs sexes (je vous renvoie aux films de Jean Rollin et de Jess Franco, entre autres) et c’est d’ailleurs ce qui le rend si fascinant.
En transposant cette phobie dans le cadre du « teen movie », Mitchell Lichtenstein pouvait en tirer quelque chose d’intéressant dans la mesure où le genre a également fait du sexe son unique obsession. Teeth montre assez bien cela : d’un côté, le sexe est partout et constitue l’obsession quotidienne de ces adolescents, de l’autre, il est totalement muselé (les planches anatomiques censurées des manuels scolaires) et considéré comme un danger mortel lorsqu’il a lieu hors des liens sacrés du mariage.
Le cinéaste choisit dans un premier temps d’en rire et ça donne des scènes pas déplaisantes où son héroïne milite pour une association de décérébrés pro abstinence dont les tronches sont assez impayables (surtout lorsqu’ils répètent en cœur les pires insipidités comme de bons catéchumènes !). Mais cette association n’est en fait que le revers de la médaille d’une société où le sexe est partout mais sous son unique forme consommable (l’incontinence et l’abstinence participent du même Spectacle).
Le film aurait pu être intéressant s’il avait plus insisté sur le dilemme d’une jeune bigote tiraillée par ses désirs (la scène où un rêve la trouble est sans doute la meilleure du film) et son obligation d’être chaste en raison de sa mutation anatomique.
Malheureusement, Lichtenstein fait dériver son Teeth vers la comédie horrifique et le féminisme bébête et hargneux (le moment le plus drôle du film arrive au milieu du générique de fin lorsqu’une phrase prévient le spectateur « qu’aucun homme n’a été blessé pendant le tournage »).
Car la jeune fille finit par se servir de son sexe comme d’une arme et le cinéaste de montrer des hommes forcément obsédés, vicieux et répugnants. Comme tableau d’une société où la femme devient, au sens propre, castratrice ; Teeth pourrait bien apparaître à ce titre comme un jalon !
On oscille sans cesse entre plusieurs sensations face à ce film : d’un côté, son propos n’est pas inintéressant et témoigne assez bien (c’est aussi ce qui le rend sinistre !) de la manière d’appréhender le sexe outre-atlantique (ce qui veut dire que nous sommes déjà contaminés !) ; de l’autre, ça manque quand même pas mal de cinéma et Lichtenstein est trop malin pour être tout à fait honnête.
D’une part, je trouve le cinéaste assez pataud dans sa manière d’appuyer les choses (par exemple, il n’explique jamais les origines de ce « vagin denté » mais il filme lourdement, au moins 4 ou 5 fois, les grosses fumées qui sortent de la centrale nucléaire située derrière la maison de l’héroïne pour que le spectateur comprenne bien), de souligner tous ses effets. D’autre part, contrairement à la comédie régressive américaine actuelle, il n’a aucune affection pour ses personnages et ne leur offre aucun moyen d’évoluer. Ce sont tous des crétins absolus (voir le frère de l’héroïne et ses deux amants) qui méritent finalement bien leur sort !
Au bout du compte, Teeth navigue maladroitement entre la comédie cynique et le film d’horreur fauché, le constat sociologique et le second degré des petits malins du cinéma « indépendant » d’aujourd’hui (aussi conformiste, il faut bien le dire, que le cinéma hollywoodien).
Le résultat n’est pas totalement déplaisant mais ce petit truc ne mérite quand même pas de pieux éloges et ne va pas très loin…