La cage aux souris (1954) de Jean Gourguet avec Dany Carrel, Raymond Bussières, Dora Doll

 

 

« En tous cas, certains mauvais films de mauvais cinéastes (Jean de Marguenat, Jacques Séverac, Jean Gourguet, Maurice Cammage, Maurice Cloche et d’innombrables autres), découverts aujourd’hui (nous ignorons s’il en va de même lorsqu’ils sont simplement revus), ont acquis un charme inversement proportionnel à leur nullité et leur bêtise alors que bien des classiques de ciné-clubs, étiquetés chefs-d’œuvre depuis leur naissance, ne dégagent désormais que pesant ennui ». C’est en vertu de ce sage adage prononcé par Jean-Pierre Bouyxou prononcé dans le numéro 3 de la revue Fascination  que je persiste à vous parler de Jean Gourguet même si les trois notes déjà consacrées à ce tâcheron m’obligent à répéter un peu les mêmes choses (mais écrire un essai sur le cinéaste pourrait aussi être une solution envisageable !).

 

 

Le genre de prédilection de Gourguet, c’est le mélodrame. Les siens se veulent à la fois édifiants et un brin égrillards (de quoi réconcilier la morale et les sens, en quelque sorte). La cage aux souris ne fait pas exception à la règle : l’époque dans laquelle s’inscrit l’action du film (l’occupation allemande) permettra au cinéaste d’édifier lourdement le spectateur tandis que le lieu du récit (une pension de jeunes filles) offrira un cadre idéal à ses débordements licencieux. Il est vrai qu’avec les prisons de femmes, les internats de demoiselles sont des endroits entièrement satisfaisants pour l’esprit !

 

 

Découvert cinquante ans après sa réalisation, cet hallucinant nanar naphtalineux à des allures d’antiquités. Mais c’est également de ce côté périmé que naît le charme dont parle Bouyxou. Il faut voir ces donzelles qui vivent à Moulins parler avec une gouaille qu’accentue l’accent titi parisien. Elles sont charmantes avec leurs expressions surannées et les invraisemblables surnoms qu’elles se donnent (de « Marie pipi-au-lit » à « Culotte » en passant par « Manouche », « Crapaud », « Tigresse » (hum !) et « Moche » sans oublier l’inénarrable et cruelle directrice appelée « Gros lolos » . Nous sommes comblés par ce sens de l’image !). Les pépées sont d’ailleurs fort croquignolettes, en particulier la mutine Dany Carrel, habituée de ce style de nanar qui nous offre en plus le plaisir de dévoiler fugitivement sa (superbe) poitrine. Car qui dit Jean Gourguet dit obligatoirement une paire de seins dévoilée. C’est le contrat qui le lie au spectateur et qui me fait dire que né 20 ans plus tard, le cinéaste aurait fait partie de la vague porno qui allait déferler sur la France.

 

 

Historiquement, le film n’est pas non plus inintéressant car il montre bien un certain état d’esprit de la France du milieu des années 50. D’une part, on sent toujours cet esprit né avec la sinistre période de l’épuration où l’on cherche à minimiser l’importance de la collaboration passive des français et à glorifier une résistance somme toute assez fictive (Ophuls nous le prouvera magnifiquement dans Le chagrin et la pitié). D’après le film, il y avait pendant l’Occupation une minorité de traîtres (incarnée ici par la figure de la directrice) et une majorité de braves résistants prêts au sacrifice de leurs vies pour bouter l’ennemi hors de nos frontières (la scène de révolte des pensionnaires est très caractéristique). Gourguet œuvre ici pour la réconciliation de la France avec elle-même tout en prônant dans toute son œuvre des valeurs qui ne sont finalement pas très éloignées de celle de Pétain (le goût du terroir, la famille, la patrie…)

 

 

D’où ce souffle de veulerie un peu rance qui plane toujours sur ses mélos rustiques et qui m’empêche, malgré le charme gaulois de certains passages (je suis assez preneur de la collection lingerie printemps/été 1954 et des crêpages de chignons entre donzelles surexcitées !) d’adhérer au cinéma de Gourguet…

 

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