La révolte des morts-vivants (1971) d’Amando De Ossorio

 

 

Malgré quelques joyeuses digressions sur Jean Gourguet, accueillies par une glaciale indifférence, ce blog prend depuis quelques temps un caractère très sérieux et risque de sombrer dans le doctoral par la faute d’une grille télévisuelle n’offrant que trop peu d’aberrants nanars dont nous nous délectons. Profitons donc de cet instant pour saluer Arte (une fois n’est pas coutume !) pour son audacieuse case du jeudi soir consacrée au cinéma « trash ».

N’ayant pas eu le courage jusqu’à présent de veiller pour revoir de bons films bien déjantés (le masque du démon de Bava, la nuit des morts-vivants de Romero, l’excellent Supervixens de Russ Meyer…), je n’avais pas salué cette heureuse initiative. Je le fais de bon cœur, d’autant plus que les raisons de se plaindre d’Arte sont de plus en plus nombreuses (ceci dit, nous auront droit à du cinéma expérimental la semaine prochaine : encore une raison de se réjouir).

 

 

Bref, venons-en à nos morts-vivants espagnols et à ce premier opus consacré par Amando De Ossorio aux zombies templiers (sa tétralogie restera son titre de gloire).

Prologue. Des chevaliers templiers sacrifient lors d’un rituel somme toute assez obscur une jeune femme attachée à une croix de torture. La caméra ne sait pas trop où se placer alors le cinéaste fait des plans d’ensemble en plongée ou des gros plans des lames d’épées pénétrant la poitrine dénudée de la vierge (yeah !). Dès cette première séquence, nous sommes dans le bain : de la série Z avec toutes ses promesses de ringardise (certes) mais aussi d’une véritable beauté. Nous ne sommes pas dans une économie de cinéma classique. Il serait donc facile (et idiot) de se gausser du manque de moyens évident du film, des incohérences du scénario, de la nullité absolue de l’interprétation (là, c’est vraiment dur, d’autant que le doublage en français n’arrange pas les choses mais participe d’une certaine manière à l’étrangeté de la chose).

Mais si on accepte les conventions de ce type de film , on devra reconnaître la réussite indubitable de certains passages et la sincérité (mêlée de roublardise) d’un cinéaste qui cherche malgré tout les aléas de sa production à imposer une vision.

 

 

Comme chez Jean Rollin ou son compatriote Jésus Franco ; c’est le scénario qui pêche chez Amando De Ossorio. Après le prologue décrit ci-dessus, nous voilà au bord d’une plage où Betty croise une vieille amie pas vue depuis leurs études communes : Virginia. Arrive un bellâtre qu’on devine être le petit ami de Virginia et en moins de temps qu’il n’en faut à l’éjaculateur précoce pour venir à bout de Catherine Zeta-Jones (eh !eh !) ; notre homme arrive à convaincre Betty de partir avec eux en week-end. Dans le train, les choses s’enveniment et Virginia saute en marche et part seule en pleine campagne (ben oui, c’est la seule solution trouvée pour que des personnes vivantes se rendent dans l’abbaye désormais hantée !) . Bref, Virginia est certainement une gentille fille (toute femme qui porte des shorts aussi courts et aussi moulants ne peut être que gentille !) mais pas très maligne puisqu’en ayant toute la région pour elle seule, elle décide de camper dans des ruines désaffectées à côté d’un cimetière. Même sans croire aux phénomènes paranormaux, je ne connais pas de lieux moins accueillants pour dormir (à part peut-être les bancs de l’assemblée nationale…).

Bref, après le premier zigouillage commis par les zombies, Betty et Roger décident de se bouger les fesses et de retrouver leur amie. Roger, qui combine le look du surfeur à gourmette et du jeune cadre madeliniste (beurk !) s’avère aussi un fin latiniste alors que son apparence laissait présager un QI de moule (« si mon latin ne me trahit pas , nous sommes en présence de rites templiers » dit-il en substance pour notre plus grande joie !).  Le pot au rose est découvert et avant d’avoir pu s’organiser, les zombies auront décimé un certain nombre d’individus jusqu’à un final ne laissant rien présager de bon pour l’humanité mais offrant au spectateur le bonheur d’espérer une suite.

 

 

Ce trop long descriptif vous aura fait comprendre que le film est construit de manière assez incohérente (alors que les morts-vivants sont aveugles et mous comme un programme électoral de l’UDF, aucun personnage n’a l’idée d’arrêter de crier et de prendre les jambes à son cou) et que la faiblesse de ce scénario qui se traîne empêche une totale adhésion du spectateur.

Néanmoins, le film réserve de très beaux moments de mise en scène. Comme Rollin, De Ossorio est un cinéaste de la vision et offre soudain des plans d’une stupéfiante beauté (les zombies qui sortent lentement de leurs tombes dans un cimetière embrumé). La photographie est vraiment très soignée et arrive à créer une atmosphère gothique dans la lignée des classiques de l’épouvante anglo-saxonne. Les templiers morts-vivants, squelettes énuclées sont aussi très réussis et leurs apparitions, soulignées par des chœurs lointains et une abondance de ralentis sont très belles.

Parfois, le cinéaste prend des partis-pris curieux mais assez gloupitants, comme lorsque l’héroïne est trahie par les battements de son cœur (série de zooms saccadés sur la poitrine de la belle) qui la font repérer par les assaillants.

Une autre séquence montrant l’attaque d’une jeune femme dans une galerie de mannequins rappelle certains films de Bava (Une hache pour la lune de miel, notamment) avec son éclairage rouge pétant.

L’ensemble est terriblement inégal mais voilà le type même de curiosité que je recommande chaleureusement aux amateurs de cinéma bis…

 

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