Miranda (1985) de Tinto Brass avec Serena Grandi


L'inconvénient avec la signalétique que j'utilise, c'est qu'elle ne donne pas forcément la mesure exacte de ce que je ressens vis-à-vis d'un film. Ainsi, si j'accole au Miranda de Tinto Brass mon petit « pas mal », vous allez penser que je le place au même niveau que le dernier Depardon ou Nazarin de Buñuel, ce qui n'est pas tout à fait le cas.

Disons que ce symbole peut désigner à la fois de bons films sur lesquels j'ai quelques réserves, eu égard à l'admiration que je porte pour l'œuvre de leurs auteurs, mais également des films pas extraordinaires mais plaisants ou encore des oeuvrettes mineures s'affirmant comme de modestes réussites au sein d'un genre ravagé par la médiocrité.

Film érotique pas déplaisant et parfois inventif, Miranda se rangerait donc dans cette dernière catégorie.

Je le répète donc : il ne s'agit pas là d'un grand film et on ne peut même pas le ranger auprès des vrais réussites de Tinto Brass que sont Caligula ou La clé. Miranda souffre trop (et c'est souvent le cas chez Brass) d'un scénario bâclé et d'une interprétation moyenne (mise à part la splendide héroïne incarnée par Serena Grandi).

Tenancière dans un café de l'immédiat après-guerre, Miranda fréquente plusieurs hommes en même temps (elle se partage entre un vieil amant riche et un jeune fougueux). En attendant le retour de son mari parti au front, elle se laisse également séduire par un bel américain...

On se doute que ce « scénario » n'est qu'un prétexte futile pour que le cinéaste puisse filmer sous toutes les coutures (enfin, avec le moins de « coutures » possibles) sa pulpeuse héroïne.

Mais c'est sur ce plan qu'il parvient à emporter notre adhésion, même si je persiste à déconseiller l'œuvre aux lecteurs de l'abbé Amédée Ayffre  et aux zélateurs des œuvres du révérend père Bruckberger !

L'érotisme de Brass est réjouissant pour un tas de raisons que j'ai déjà eu l'occasion d'énumérer.

Primo, pour la splendeur de ses héroïnes. Serena Grandi n'arrive pas tout à fait au niveau de Stefania Sandrelli dans La clé mais elle est néanmoins merveilleuse, débordant de sensualité à chaque plan et exhibant avec un tel naturel ses formes généreuses qu'on la sait capable de mettre le feu aux sens refroidis des plus ternes jansénistes.

Deusio, pour la vivacité d'une mise en scène entièrement dévolue aux corps des femmes. Pour pouvoir offrir les points de vue les plus joyeusement impudiques, Tinto Brass « contorsionne » sa caméra mais avec un vrai sens du timing, du cadre insolite et du montage vitaminé (on songe parfois aux découpages très BD de Russ Meyer). Il ne s'agit pourtant pas ici d'un simple « clip érotique » : Brass joue avec l'espace (la très belle scène où l'amant américain suit Miranda dans un long dédale de couloirs et de pièces où sèche du linge. Scène qui se termine par une miction assez insolite dans le cadre du cinéma érotique et dont Brass se fera une spécialité), avec les éléments décoratifs (l'importance du miroir) et parvient à donner à sa mise en scène un véritable petit cachet « baroque » et « décadent » (de Caligula à Salon kitty, on sait que le cinéaste prise ces atmosphères « décadentes »).

Tertio, parce que l'érotisme est toujours chez lui synonyme de plaisir et de jouissance. Rien de mécanique ou de télécommandé : Brass aime l'exubérance du désir, « l'innocente obscénité » de la chair, les frous-frous affriolants et le plaisir sous toutes ses formes. Chaque plan ne semble naître que de ce principe de plaisir si souvent absent du cinéma « érotique » (pour ne rien dire des corps réifiés du cinéma porno !).

NB : En parlant d'érotisme, ne pas oublier que le numéro 2 vient de sortir. Ne loupez pas les belles réclames où joue l'excellent Christophe Bier...(j'aime bien celle-ci aussi)

Tinto Brass aime à la folie les femmes qu'il filme et nous fait partager cet amour. Rien que pour cette raison, il mérite que nous lui tirions notre chapeau...

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