Cinéma infantile
La tour Montparnasse infernale (2000) de Charles Nemes avec Eric et Ramzy, Marina Foïs
Encouragé par un aimable lecteur qui me recommandait ce film au détour d'un débat sur les meilleures comédies françaises, j'ai tenté de visionner pour vous (voyez jusqu'où va mon dévouement !) la tour Montparnasse infernale. Autant ne rien vous cacher et l'annoncer tout de suite : le résultat m'a paru lamentable et témoigner moins d'une tentative salutaire de recourir à l'absurde que d'un énième avatar du prétendu « esprit canal » dont on nous rabat les oreilles depuis des années (je veux bien reconnaître que la chaîne a apporté, à un moment donné- les Nuls, les guignols de la grande époque-, un souffle d'air frais dans le ronron de l'humour télévisuel mais tout cela s'est vite effondré).
Pour faire vite, le film se heurte à deux écueils.
Le premier, c'est Eric et Ramzy. Vous allez me dire que c'est forcément subjectif mais je trouve ces deux garçons mauvais acteurs et ils ne me font pas rire du tout. Tous les grands acteurs comiques ont ce « je ne sais quoi » qui les distinguent et font leurs personnalités : eux non ! Rien à part venir de la télé et faire des vannes à peine digne d'un décérébré quelconque sévissant sur la bande FM.
Leur registre repose sur une seule idée qu'ils étirent sur 90 minutes : l'infantilisme. Ils parlent, se disputent et réagissent comme des enfants de 6 ans et c'est ce qui est censé tenir lieu « d'absurde ». Or l'humour absurde, le vrai, me semble très éloigné de ces pitreries infantiles qui pourraient, à l'extrême rigueur, séduire le temps d'un sketch de deux minutes mais qui devient insupportable sur la longueur d'un film. De plus, sous couvert de cette régression infantile, Eric et Ramzy ne font de rien de plus qu'exploiter le vieux filon de l'humour franchouillard et c'est bien à la ringardise d'un Michel Leeb que le spectateur songe lorsqu'ils se gaussent des homosexuels ou de l'accent chinois ! Nous sommes très, très loin de la régression corrosive à l'œuvre chez les frères Farrelly, notamment dans Dumb and dumber auquel on songe parfois.
Le deuxième gros problème, c'est que le film n'est jamais mis en scène. C'est de la très mauvaise télévision transposée sur grand écran, transpirant son incroyable laideur à chaque plan. Ce qui est étrange, c'est qu'Eric et Ramzy ont fait appel à des cinéastes qui furent assez attachants dans les années 70-80 pour signer leurs navets. Gérard Pirès, qui commit l'immonde et nullissime Double zéro, fut un auteur de comédies grinçantes (Fantasia chez les ploucs, Attention les yeux...) pas inintéressantes avant de devenir un anonyme tâcheron pour l'écurie Besson.
Idem pour Charles Nemes dont j'avais assez aimé la comédie amère post-Splendid les héros n'ont pas froid aux oreilles (avec Auteuil et Jugnot). Avec la tour Montparnasse infernale, il disparaît totalement : la caméra semble en mode automatique et la photographie est tout bonnement hideuse. Aucun gag n'est construit (une fois de plus, le film n'est qu'une succession de mauvaises blagues d'animateurs de radio) et Nemes ne fait rien de ses corps comiques (revoyez les films d'Harold Lloyd, mille pétards !).
En fait, ce genre de transposition d'un « humour » absurde issu de la télévision avait déjà été tenté par Jacques Martin avec son Na, l'un des films les plus navrants qu'il m'ait été donné de voir dans ma vie de bouffeur de pellicule. Même succession de « numéros » (le film a un fil directeur mais chaque séquence ressemble à un numéro de scène entre les deux comédiens) et même inexistence cinématographique.
Rien à sauver si ce n'est Marina Foïs. Je sais que ça devient en ce moment la tarte à la crème de la critique pro de l'encenser mais j'avoue que même dans un sale navet, je lui trouve toujours beaucoup de charme et de présence.
Pas de doute : c'est une grande !