L'horreur est humaine
Me voilà de retour après avoir été privé de connexion Internet pendant plusieurs jours. Du coup, je vous épargne une note sur le Pars vite et reviens tard de Régis Wargnier (qui n'a d'ailleurs aucun intérêt) et vous offre avec un peu de retard ma note prévue pour mardi.
The devil's rejects (2005) de Rob Zombie
Avant de commencer, tâchons de résumer très schématiquement l'évolution du cinéma « gore » depuis les premiers nanars rigolards de HG.Lewis jusqu'aux oeuvres d'aujourd'hui. Pour l'écrire vite, il faudrait distinguer d'un côté les cinéastes ayant recours au genre pour créer le malaise et provoquer le dégoût du spectateur (songeons aux bouchers italiens à la Deodato, Fulci, Lenzi ou Bava fils voire Bava père dans son fameux La baie sanglante) ; de l'autre, ceux qui l'utilisèrent comme un élément comique (Stuart Gordon, Peter Jackson...) voire totalement burlesque (Brain dead).
J'assimile un peu rapidement le film de Rob Zombie, nouvelle coqueluche du cinéma d'horreur, à ce genre « gore » en raison de quelques scènes bien sanglantes mais il faudrait, là encore, nuancer. En fait, l'auteur de The devil's rejects (« les rebuts du diable ») rend surtout hommage aux grands classiques du cinéma d'épouvante horrifique des années 70 (La colline à des yeux de Wes Craven, Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper) qui n'étaient pas, pour le coup, des films « gore »
Le scénario du film tient sur un ticket de métro. Il s'agit d'une course-poursuite sanglante entre la police et une famille dégénérée ayant commis d'atroces meurtres.
Si le film de Rob Zombie présente un petit intérêt par rapport aux innombrables remakes ou autres films d'horreurs aseptisés contemporains, c'est qu'il ose la noirceur et le nihilisme des grands anciens. La famille de dégénérés rappelle celles des films d'Hooper et de Wes Craven (on retrouve d'ailleurs, me semble-t-il, un des acteurs de La colline à des yeux) et l'un des personnages s'apprêtant à tuer n'hésite pas à provoquer la main vengeresse de Dieu comme dans un dialogue de Sade, crachant au visage inexistant de la grande chimère.
La violence du film est dérangeante : Rob Zombie plonge moins dans le pur « gore » (à deux ou trois exceptions près) que dans une véritable brutalité qui secoue le spectateur, d'autant plus qu'on retrouve cette brutalité du côté de la Loi (ce flic sadique qui agrafe aux ventres des tueurs les photos de leurs victimes).
Dans son côté affreux, sale et méchant, le film renvoie également à un certain pan du western dans sa vision la plus délabrée et la plus nihiliste. Il s'agit d'une vision extrêmement noire du monde ou les notion de fraternité et de solidarité ont disparu et où ne surnage que la saleté, l'extrême violence et la mort. Toute proportions gardées (parce qu'il s'avère plutôt très mal mis en scène !), le final du film rappelle un peu celui de La horde sauvage de Peckinpah.
Le côté extrêmement « méchant » et mal élevé de Rob Zombie (cela faisait une éternité, par exemple, que je n'avais pas vu de nus intégraux dans un film de genre américain !) est plutôt sympathique et donne envie de suivre le bonhomme.
Malheureusement, malgré ses références et une certaine santé, le film ne m'a pas convaincu. Une fois de plus, c'est au niveau de la mise en scène que le bât blesse. Même si on note, ça et là, quelques raccords audacieux et des cadrages originaux, la réalisation ne m'a pas semblé dépasser le niveau du plus anonyme des produits manufacturés hollywoodiens : l'image est assez laide (ça sent l'étalonnage numérique) et le montage privilégie, à l'inverse d'un Carpenter auquel on pourrait penser parfois, le hachage systématique des plans et l'emballement épileptique. Voilà encore une fois un cinéaste qui cherche d'abord à prendre à la gorge et à couper le souffle au spectateur plutôt que de tenter de créer un véritable espace cinématographique.
Alors que The devil's rejects aurait pu être une série B rutilante et « politique », il s'avère au final plutôt lourdingue et tape-à-l'œil.
C'est dommage !