Shocking (1976) de Frédéric Lansac (alias Claude Mulot)

 

 

Nous y voilà donc, dans notre petit boui-boui dont je vous parlais il y a quelques jours. Ne voyez pas dans ces appellations une volonté de séparer l’ivraie du bon grain et d’établir des hiérarchies stériles. J’aime sincèrement fréquenter ces lieux mal-famés  de la cinéphilie : on y tombe parfois sur de pures merveilles, des petits cocktails maison introuvables ailleurs même s’il faut parfois souper une épaisse piquette. Tenancier du lieu pour le menu d’hier : Claude Mulot dont la tambouille ne doit pas vous être totalement inconnue si vous me suivez depuis mes débuts puisque j’en ai déjà parlé ici, et un peu aussi !

Auteur de films fantastiques Z (la rose écorchée) et de comédies bien de chez nous (le jour se lève et les conneries commencent), Mulot restera dans l’histoire du cinéma pour avoir été, sous le pseudonyme de Frédéric Lansac, un des pionniers du cinéma hard français (le sexe qui parle). Les années 76 et 77 furent celles de son apogée puisque du 1er juillet 76 au 30 juin 1977 sortirent sous sa signature pas moins de cinq films (outre Shocking, citons Echanges de partenaires, Jouissances, la grande baise et Blue Ecstasy ! qui osera ensuite remettre en question la valeur culturelle des blogs ? )

 

 

A vrai dire, le film diffusé hier sur CinéAuteur et re-titré curieusement la dernière nuit est en fait une version « soft » de Shocking (durée 1h10 au lieu des 1h20 originelles), mouture à laquelle ont a tranché les séquences les plus raides (si j’ose dire !). Nous sommes fatigués de rabâcher notre dégoût face à ce type de pratiques qui ménagent la chèvre et le chou (d’un côté, on cherche l’encanaillement et les bénéfices d’un produit peu cher et forcément rentable puisque érotique ; de l’autre, on joue la prudence et la censure préventive) et nous aimerions voir une chaîne couillue qui ose une véritable programmation des pionniers du sexe à l’écran. C’est pas demain la veille !

 

 

Bref, Shocking est un film curieux qui mêle à la pornographie un scénario d’anticipation. Au plus fort de la guerre froide, les présidents américain et soviétique déclenchent une troisième guerre mondiale, signal d’une apocalypse inévitable. Que feriez-vous si on vous annonçait la fin du monde pour dans 10 minutes ? (comme le chante le poète)

On imagine ce scénario traité par la mère Duras : un groupe d’hommes et de femmes errant silencieusement et hiératiquement dans une seule pièce tandis que le bande-son nous bercerait de voix blanches évoquant le devenir de l’Homme et de la civilisation.

M.Night Shyamalan filmerait un groupe d’hommes dans une prison qui profiteraient de la confusion des esprits pour tenter une évasion et se rendraient compte à la toute fin du film qu’ils sont en fait morts depuis longtemps.

John Woo nous présenterait des guerres de gangs dans une ville dévastée où des nuées de colombes s’élèveraient au début de chaque gunfight 

Mulot se contente de montrer des gens qui entendent bien profiter de leurs dernières heures pour partouzer un peu (ben oui, nous sommes quand même dans un genre balisé). Tout est d’ailleurs prévu à cet effet puisque ces dames ne s’encombrent quasiment jamais d’un accessoire désuet : la culotte (qu’elles soient bénies !)

 

 

C’est plutôt très mauvais et n’appelle pas un grand nombre de commentaires. A la conception du film, on retrouve l’équipe habituelle de Lansac/Mulot : Francis Leroi à la production (lui-même deviendra un des réalisateurs de films X les plus côtés : Cette salope d’Amanda, Petites filles au bordel… Vous me pardonnerez mais ce que je préfère dans le cinéma porno, ce sont les titres ‘achement poétiques et je ne résiste jamais au plaisir de vous en citer quelques uns !) ; Roger Fellous à la photo (dans certains films, elle est plutôt belle mais elle est ici quelconque) et Gérard Kikoïne (lui aussi futur réalisateur renommé du genre : Entrechattes, Bourgeoises et putes… je vous le disais, c’est une drogue !) au montage (pas l’aspect le moins intéressant du film même si subsiste le problème qu’il a été charcuté une deuxième fois pour ôter les scènes trop osées et que cela donne parfois d’improbables faux raccords assez splendouillets).

 

 

Sans intérêt donc, mais je confesse préférer ce type de films à l’ancienne que les vidéos aseptisées d’aujourd’hui. Avec ces petites pépées pas farouches et croquignolettes à souhait et ses ineffables majordomes aussi stoïques que moustachus, le cinéma érotico-pornographique des années 70 fleure bon le naturel et le patchouli. On aperçoit déjà les premiers symptômes de la sclérose du genre dans Shocking (alors que Le sexe qui parle était beaucoup plus libre et réjouissant), mais ça reste bon enfant. (très mal joué, par contre. On ne peut pas tout avoir !)

 

 

A conseiller avant tout aux érotomanes portés sur le kitch…

 

Retour à l'accueil