Tapage nocturne (1979) de Catherine Breillat avec Dominique Laffin, Marie-Hélène Breillat, Joe Dallessandro, Gérard Lanvin


Je n'ai jamais caché un certain goût (voire même un goût certain) pour le cinéma de Catherine Breillat. J'aime la façon très physique qu'a la cinéaste de représenter à l'écran des considérations souvent assez intellectuelles et abstraites. De ce point de vue, Une vraie jeune fille, son premier long-métrage, est peut-être le plus étonnant de tous ses films (à défaut d'être le plus abouti) puisque la cinéaste parvenait à faire d'une chronique naturaliste un film quasi expérimental mêlant les fantasmes à la réalité des corps et des désirs adolescents.

Au regard de ce premier essai, c'est peu dire que Tapage nocturne, le deuxième long-métrage de la cinéaste, déçoit. D'un point de vue thématique, il faut reconnaître que tout le cinéma de Breillat est déjà là : le féminisme paradoxal (les femmes de Breillat mènent le jeu mais dans la soumission), les réflexions sur le sexe, la jouissance féminine, la passion destructrice...


Solange est une jeune femme libérée, cinéaste, qui partage sa vie entre un mari, un amant américain (l'icône Joe Dallessandro) et un homme idéal qu'elle rencontre au cours de ses innombrables aventures sexuelles...


Catherine Breillat dépeint les frasques de son héroïne en restant au plus près du quotidien, les dialogues très (trop) écrits contrastant avec le naturalisme assez plat de la mise en scène. Dominique Laffin oblige, on songe à certaines chroniques de Doillon (la femme qui pleure), mais davantage pour leurs mauvais côtés (hystérie généralisée, artificialité des situations...).

Ce qui pèche le plus dans Tapage nocturne, c'est l'incapacité de la cinéaste à incarner (dans un récit, dans des corps...) les éléments réflexifs de son scénario. On a toujours le sentiment d'assister à une simple illustration d'un essai théorique (« Qu'est-ce que la passion ? », « qu'est-ce que la jouissance ? ») qui tourne vite à la démonstration desséchée.

Par bribes, on perçoit quelques éclats de ce qui fera le prix du cinéma de Breillat, cette manière franche d'appréhender les corps pendant l'acte sexuel ou de filmer l'abandon et la jouissance sur le visage des femmes. Mais il manque encore le côté brut, organique et incroyablement physique qui fera le prix de ses plus grandes réussites (36 fillette, Parfait amour !)


Tapage nocturne est un film qui manque un peu de style (songeons, par comparaison, à la parfaite réussite plastique que constitue Romance). Malgré cela, il force un peu l'intérêt parce que l'héroïne qu'il met en scène s'appelle Dominique Laffin et que cette actrice est sans doute la plus fabuleuse, la plus émouvante et la plus fragile des étoiles filantes qui traversa le firmament du cinéma français. Je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi j'ai oublié de la faire figurer dans mon classement des 20 actrices inoubliables tant il est vrai que le film de Breillat ne se laisse regarder jusqu'au bout qu'à cause de ce minois craquant, de ces grands yeux si tristes et de l'incroyable sensibilité qui se dégage de cette actrice. Qu'elle soit face à un jeune Gérard Lanvin (qui incarne le voyou brutal qui fait fantasmer souvent les héroïnes de Breillat qui aiment à savourer leurs jouissances dans la souillure) ou avec l'icône pop de Warhol, Dallessandro, elle traverse le film comme un mirage éblouissant et parvient à rendre certaines scènes un peu plus émouvantes et incarnées.

Le reste n'est qu'élucubrations théoriques...

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