Les tontons farceurs (1965) de et avec Jerry Lewis

 

Des frères Marx à Abbott et Costello en passant par Peter Sellers et Harold Lloyd, j’ai consacré un certain nombre de notes aux burlesques américains. Mais jusqu’à présent, je ne vous avais pas parlé de Jerry Lewis ; comique controversé mais dont on ne peut nier l’importance dans l’histoire du cinéma.

Le problème avec Lewis, c’est que sa carrière est très inégale et qu’elle prouve une fois de plus qu’il n’y a pas de grand génie sans grand cinéaste derrière. Lorsqu’il tourne avec des tâcherons (Norman Taurog par exemple), les films de Lewis sont définitivement ringards et difficilement visibles aujourd’hui. Par contre, lorsque Tashlin est derrière la caméra ; le duo qu’il forma avec Dean Martin prend toute son ampleur et donne des résultats fort savoureux (je recommande particulièrement l’excellent Artistes et modèles).

 

Lewis fut également cinéaste, pour le meilleur et pour le pire. Le meilleur, c’est le fameux The nutty professor (Docteur Jerry et Mister Love), parodie burlesque du célèbre mythe créé par Stevenson. Le pire, ce sont des films du style One more time ou Ya, ya mon général où la verve de l’acteur-réalisateur se dilue dans un flot de grimaces ridicules. Les tontons farceurs (à ne pas confondre avec Les tontons flingueurs de Lautner ou les tontons tringleurs d’Alain Payet !) relève de la première catégorie.  

Riche héritière d’une immense fortune, une fillette d’une dizaine d’années doit choisir lequel de ses six oncles sera apte à endosser le rôle de père à son égard. Prévenons d’emblée les allergiques au cabotinage de Jerry Lewis que c’est lui qui se charge d’interpréter les six rôles et qu’il s’en donne à cœur joie pour se grimer en vieux loup de mer, en clown cruel, en photographe déjanté, en pilote d’avion, en inspecteur flegmatique et en gangster patibulaire. Le point faible du film réside d’ailleurs, à mon sens, dans le jeu de l’acteur qui en fait toujours des tonnes et dont les grimaces incessantes finissent par lasser (seuls les enfants de moins de sept ans souriront à son éternel strabisme !).

Par contre, la construction des gags se révèle fort habile et Lewis fait preuve d’un véritable talent de metteur en scène. Une des stratégies dont il use le plus régulièrement, c’est celle du "gag à retardement ". Exemple : un tueur tente d’assassiner le chauffeur bien-aimé de la petite héritière. Une main tenant un couteau s’approche de la nuque de ce dernier. Plan suivant, la voiture fait une embardée pour éviter un obstacle et nous constatons que la porte semble ne pas bien fermer. Le chauffeur, arrêté, fait le même constat et c’est seulement un peu plus tard que nous voyons une main (celle du tueur), sortir d’une bouche d’égout. Raconté comme cela, ce n’est pas très drôle mais la construction rigoureuse du film (le gag n’est pas montré directement) fonctionne plutôt bien et l’on rit souvent.

De la même manière, Lewis n’hésite pas à jouer la carte du non-sens et de l’absurde et c’est souvent très drôle (dans un avion, de respectables dames demandent à ce qu’on baisse le son de la radio. Le pilote ouvre une porte pour s’exécuter et découvre un orchestre en chair et en os en train de jouer ; un gangster fait répéter une leçon à la fillette qui la répète effectivement mais avec la voix de basse de l’homme…).

 

Dans ses meilleurs moments, Les tontons farceurs évoque l’univers bariolé, cartoonesque et délirant du grand Frank Tashlin. Jerry Lewis est un véritable personnage de dessin animé (voir l’élasticité de son visage) et il est arrivé ici à retrouver le rythme du genre.

Ce n’est pas un mince compliment…

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