Noir et blanche
Les griffes de jade (1971) de Ho Meng-Hua avec Cheng Pei-Pei, Szu Shih
Dans un article intitulé Pour le nu, Jean-Pierre Bouyxou observe avec justesse l’absurdité qui consisterait à condamner le nu cinématographique puisque cela reviendrait à rejeter « quelques-uns uns des plus enflammants moments de l’œuvre » d’un certain nombre de grands cinéastes, d’Eisenstein à Oshima en passant par Godard, Visconti, Cronenberg ou Ophüls et « à méconnaître à peu près tout ce qu’ont tourné José Bénazéraf, Jean Rollin, Joël Séria, Roland Lethem… ». Suit une longue énumération de cinéastes où figure le nom de Ho Meng-Hua, réalisateur venu de Hong Kong que je ne connaissais ni d’Eve, ni d’Adam.
Classé dans la liste de ces adeptes du nu à l’écran, je me devais (conscience professionnelle oblige, on en conviendra !) de découvrir cette production de la mythique Shaw brothers. Las ! Même si ce sont, pour une fois, deux femmes qui tiennent les rôles principaux d’un film de kung-fu ; nous n’en verrons pas plus que dans les Dialogues de carmélites et nos deux belles ne dévoileront même pas leurs mollets ! C’est dire si les griffes de jade est un film qui dégage à peu près autant de sensualité qu’un programme électoral de l’UDF !
Résigné à calmer mes ardeurs libidineuses (c’est d’autant plus rageant que les deux actrices sont adorables), je me suis à nouveau retrouvé face à un de ces innombrables films d’arts martiaux que les chaînes câblées se plaisent à exhumer depuis que ce cinéma est redevenu à la mode.
Le scénario ne surprendra personne. A ma droite, un monsieur très méchant, tout de noir vêtu, appelé « Diamant noir » (on ne fait pas plus logique que les Chinois !) A ma gauche, une belle héroïne adepte des tenues blanches (tu sens venir le symbole ?) que Diamant noir a blessé autrefois et qui attend depuis trois ans sa vengeance. Pour la seconder, elle accepte de former une petite jeunette bien décidée à foutre une torgnole au grand méchant monsieur noir. On aura compris que Ho Meng-Hua est un adepte de la religion syncrétique du Persan Manès alliant à un fond chrétien des éléments pris au bouddhisme et au parsisme ; bref, que c’est un manichéen.
Mais puisqu’on ne cesse de vous ressasser que le scénario d’un film ne tient finalement qu’une place infime dans la réussite finale du projet ; voyons ce qu’il en est du côté de la mise en scène. Et là, une fois n’est pas coutume, il me semble que c’est du côté des scènes d’action que le bât blesse. Les combats ne sont pas extraordinairement filmés, le réalisateur se contentant souvent d’un plan très rapide où l’héroïne lève son sabre puis d’un plan en contrechamp sur le visage ensanglanté de la victime. L’effet choc (beaucoup de sang dans ce film) l’emporte souvent sur la chorégraphie et le mouvement ; bref, sur ce qui fait la beauté des arts martiaux.
Plus intéressants sont les moments « creux » du film : la prise en charge initiatique de la jeune fille par la « maîtresse », la rivalité amoureuse qui sépare le maître et sa disciple… Tout cela est plutôt bien fait, bien cadré (on se souvient de quelques très beaux plans d’ensemble) et assez original puisque presque entièrement vu du côté féminin (on peut néanmoins préférer à ce film le très beau L’hirondelle d’or de King Hu).
Le résultat n’est pas inintéressant mais quand même assez convenu. J’avoue que sur la fin du film, alors que 18 figurants se font trucider au sabre par la belle héroïne, j’ai secoué la tête et ai réalisé que je pensais à autre chose depuis 10 minutes (peut-être même à ce que j’allais vous raconter dans cette note !). Ces moments de distractions ne sont généralement pas bon signe !
Les amateurs du genre trouveront sûrement de quoi étancher leur soif dans ce film relativement soigné et pas méprisable. Les autres, comme moi, n’y verront qu’un divertissement pas totalement convaincant et somme toute assez banal…