Ken Loach, réalisateur de films de kung-fu
Le vent se lève (2006) de Ken Loach
Grâce au plus célèbre des hebdomadaires (de gauche) consacré aux programmes télévisuels, j’ai pu découvrir en avant-première le dernier film (de gauche) de Ken Loach.
Et avec ça, Monsieur Loach, vous reprendrez bien quelque chose ? Pour moi, ce sera la palme d’or, si vous n’y voyez pas d’inconvénient… Pas de soucis ! Vous la méritez bien pour vos loyaux services et vos presque 40 ans de cinéma bien-pensant !
Bon, OK ! J’exagère un peu. Vous savez depuis un certain temps que ce cinéma (de gauche) n’est pas vraiment ma tasse de thé mais cela ne veut pas dire que Loach est un cinéaste totalement inintéressant. Je le préfère néanmoins dans des sujets contemporains (Sweet sixteen était bien supérieur) où sa vision schématique du monde a, au moins, le mérite d’être confrontée au réel. Et c’est la résistance de ce « Réel » (les corps, les visages…) à l’idéologie (de gauche) du cinéaste qui produit parfois des choses intéressantes. Lorsqu’il aborde de « grands sujets » historiques, il n’y a plus de personnages, ni d’ambiguïté mais seulement des pantins n’ayant comme unique fonction que d’illustrer une thèse. Mais n’anticipons pas.
Après avoir filmé la guerre d’Espagne dans Land and freedom (film qui était également plus réussi), Loach nous ramène en 1920 en Irlande, terre alors sous le joug de la couronne britannique. Le hasard ne faisant pas forcément bien les choses, le fait de découvrir ce film juste un jour après les griffes de jade a produit de drôles de télescopages dans mon esprit et je me suis dit qu’en fait, Loach était un réalisateur de films de kung-fu.
En effet, comme dans la 36ème chambre de shaolin, le film est centré autour d’un « héros » (ici, Damien, un jeune homme au regard céruléen) qui ne veut pas prendre part aux conflits qui ravagent son pays (il veut partir à Londres pour poursuivre ses études de médecine) mais qui va finalement rentrer dans la lutte en étant témoin des atrocités commises par l’oppresseur (remplacez ici les Chinois par les Anglais !). Au lieu d’apprendre les arts martiaux dans un monastère shaolin, Damien va s’engager dans l’armée Républicaine et subir aussi toutes sortes d’entraînements (eh, hop ! On se roule dans la boue et on apprend à tenir son fusil comme le plus vulgaire bidasse). Ensuite, on va pouvoir se battre contre les méchants…Je vous jure que je ne me moque pas et que le film est aussi manichéen que ça. Observez dans la première séquence la manière dont Loach présente les sujets britanniques comme des brutes assoiffées de sang alors que les pauvres ch’tis irlandais sont si gentils. Le cinéaste ira même jusqu’à sacrifier à une convention du kung-fu, à savoir l’hémoglobine. Cela nous vaudra une séance de torture pas très ragoûtante. Tout cela est un peu court, comme aurait dit Cyrano !
Bon, ce qui m’embête dans cette critique c’est l’idée qu’elle soit associée aux critiques « droitières » qui ne vont pas manquer d’accabler ce pauvre Loach. Entendons-nous bien : je n’ai aucune sympathie pour l’impérialisme anglais et la cause que le cinéaste défend me semble parfaitement juste surtout qu’il a le bon goût de séparer, au sein de l’IRA, les crevures nationalistes et catholiques se battant pour leur petit lopin de terre sans remettre en question l’injustice foncière du capitalisme et ceux qui se battent pour une république (socialiste) plus juste. Ma critique est juste « artistique ». Il n’y a aucun projet esthétique dans Le vent se lève ; juste de grosses ficelles pour que le spectateur comprenne bien qui sont les gentils et qui sont les méchants. Réduit sur la fin à un conflit entre deux frères (entre celui, nationaliste, qui accepte le compromis avec l’Angleterre et Damien qui veut poursuivre la lutte pour l’édification d’une société plus juste) ; le film est d’un schématisme complet. Pas un instant nous ne croyons à ces personnages stéréotypés, à cette manière un peu douteuse de jouer sur le gros mélo pour emporter l’adhésion du spectateur (alors qu’il ne prêchera que des convaincus puisque seuls les lecteurs de Télérama iront, de toute manière, voir ce film !).
Les seuls moments un peu réussis sont ceux où Loach, comme dans Land and freedom, filme un débat d’idées et recueille de manière « neutre » les opinions exprimées par chacun. A ce moment, un peu de vie passe et on a enfin le sentiment de voir quelque chose d’un peu plus compliqué que le discours simpliste que nous assène le cinéaste pendant deux heures.
Le reste n’est qu’une leçon d’histoire orientée récitée sans grande conviction (cela fait quelques années qu’il la rabâche !) par un prof communiste aussi austère qu’intègre (je ne nierai jamais la sincérité de Loach et son humanisme).
Encore une fois, la véritable fable politique intelligente et cinématographique du dernier festival de Cannes, c’était Le caïman de Moretti. C’est ce film qui aurait du être récompensé…