L’homme qui en savait trop (1934) d’Alfred Hitchcock avec Leslie Banks, Edna Best, Peter Lorre, Pierre Fresnay

 

 

Commençons par un aveu : la carrière anglaise de Sir Alfred Hitchcock m’intéresse plutôt moins que sa période américaine. Peut-être ne la connais-je pas assez mais aucun de ses films anglais ne m’a transporté comme ont pu le faire Vertigo, Psychose, Fenêtre sur cour, les enchaînés, les oiseaux, la mort aux trousses et beaucoup d’autres. Pour preuve, cet Homme qui en savait trop tourné deux fois par le maître : la première en Angleterre en 1934 (celle présentée hier soir par Ciné Classic : gloire à cette chaîne qui nous offre une belle rétrospective Hitchcock !) et l’une aux Etats-Unis datant de 1956 avec James Stewart dans le rôle titre.

Même sans l’avoir revu depuis longtemps, cette deuxième version me paraît très supérieure à la première. Le hasard veut d’ailleurs que j’aie revu tout récemment un extrait de ce film américain, à savoir le passage où James Stewart se sent soudain menacé par quelqu’un qui le suit. Cette scène est extraordinaire par son découpage, sa manière de jouer sur le son, sur les regards que l’acteur lance vers le hors-champ. Et juste dans ce petit passage dont De Palma se souviendra plus tard (voir la belle filature dans Body double), on mesure ce qui sépare les deux versions. Dans la seconde, Hitchcock fait véritablement de la mise en scène ; dans la première, il se contente avant tout du récit, de son déroulement et de son dénouement. C’est sans doute pour cette raison que le premier film fait 75 minutes tandis que le second en fait 115 !

 

 

Dans une station de sport d’hiver, un homme se fait abattre et a juste le temps de transmettre à Bob (Leslie Banks) un message pour le prévenir qu’un attentat va être commis contre un diplomate. Pour que Bob ne se mette pas en tête de contrecarrer leurs projets, les assassins enlèvent sa fille et menacent de la tuer…

 

 

Intrigue carrée, narration rondement menée, mise en scène ultra-classique mais efficace : l’homme qui en savait trop est à la fois un thriller très agréable à suivre et dont on aime à découvrir les péripéties et les rebondissements tout en restant un film mineur dans l’œuvre d’Hitchcock. Lui-même parlait d’ailleurs de la réalisation d’un « amateur talentueux ». Même si on décèle ça et là quelques thèmes hitchcockiens (l’homme embarqué contre son gré dans une machination qui le dépasse, entre autres), le film ne dépasse pas la résolution de son intrigue (c’est déjà pas mal !) et s’avère moins riche d’un point de vue stylistique que la plupart de ses films américains. On apprécie néanmoins un certain sens de l’humour noir (la mort de Pierre Fresnay intervenant juste après un gag assez rigolo) et une réflexion qui s’amorce déjà sur les choix qui se présentent à l’individu dans leurs existences : rester spectateur (comme le couple au départ qui ne veut plus intervenir dans l’histoire de peur qu’un malheur arrive à leur fille prise en otage) ou agir (afin d’infléchir sur le destin). Ce dilemme, théorisé de manière magistrale dans Fenêtre sur cour, est déjà en germe ici.

 

 

Encore une fois, même si je considère le film comme mineur, il n’est pas question de bouder son plaisir et on se laissera volontiers guider par le cinéaste jusqu’à une scène finale à l’Albert Hall assez virtuose. On aura d’ici là eut l’occasion d’apprécier la performance du toujours génial Peter Lorre, composant une fois de plus un salaud magistral (avec cicatrice au front et une longue mèche blonde au milieu du crâne). Pour un peu, l’acteur volerait la vedette au couple principal qui m’a paru un peu terne.

Signé Hitchcock, un simple amuse-gueule restera toujours plus consistant que la majorité des plats lyophilisés que l’on nous sert actuellement. A déguster sans modération, donc !

Retour à l'accueil