Le dahlia noir (2006) de Brian de Palma avec Josh Hartnett, Scarlett Johansson, Hilary Swank, Mia Kirshner

 

 

 

Me voilà bien embarrassé pour vous parler du dernier film du grand De Palma car bizarrement, ce que j’en pense ne traduit pas vraiment ce que j’ai ressenti au cours de la projection. Dans un premier temps, je dois avouer avoir été captivé sans réticence par une intrigue rondement menée et par la virtuosité dont le cinéaste fait preuve pour achalander les différents éléments de son enquête. Mais dès que les lumières se sont rallumées, j’ai eu l’impression qu’à l’instar du soufflet sorti trop tôt du four, le film se dégonflait. Est-ce dû juste à une fin assez bâclée ou est-ce un problème plus profond ? Difficile à dire !

Pour une fois, j’ai fait exception à ma règle en lisant quelques papiers sur le film avant de rédiger cette note (le compte-rendu du festival de Venise dans les Cahiers du cinéma du mois d’octobre, l’avis négatif dans Télérama) : j’ai donc pu apprendre que De Palma aurait été obligé de raccourcir son film d’une demi-heure. D’où ce flot d’informations lorsque arrive la fin et ce sentiment mitigé que le film est soit trop court, soit trop long. Mais reprenons depuis le début.

 

 

 

Le dahlia noir est, je pense que tout le monde est désormais au courant, une adaptation d’un célèbre roman de James Ellroy, auteur qui porte chance au cinéaste puisque le tâcheron Curtis Hanson lui doit son meilleur film (L.A.Confidential). Je me vois une nouvelle fois dans l’obligation de vous confier humblement que je n’ai jamais lu le moindre livre d’Ellroy. C’est un tort et je saurai y remédier le plus rapidement possible (je ne blague pas, le roman m’a l’air passionnant). D’une certaine manière, c’est peut-être aussi la meilleure façon d’aborder le film que de ne pas avoir à l’esprit le matériau littéraire d’origine. Ca permet de l’aborder sans méfiance ni préjugé et, de ma part, de vous épargner cet insoluble débat qu’est celui de l’adaptation au cinéma (faut-il être fidèle au risque de gommer la personnalité du réalisateur ou ce dernier doit-il s’approprier cette matière littéraire, quitte à la trahir avec style ?).

 

 

 

Los Angeles, 1947. Deux boxeurs engagés dans la police obtiennent une promotion et sont chargés d’affaires plus corsées. C’est ainsi qu’ils se trouvent amenés à enquêter sur la mort d’une jeune apprentie-comédienne, surnommée « le dahlia noir »,  sauvagement assassinée (assommée, éviscérée et défigurée…) . Je ne déflorerai pas plus l’intrigue tant le plaisir qu’on peut prendre au film tient à ses rebondissements alambiqués.  Et c’est peut-être cela d’ailleurs qui fini par décevoir un peu : à vouloir trop « raconter » son intrigue, à la boucler quitte à la bâcler un peu sur la fin (ou à la bâcler pour absolument la boucler) ; De Palma ne travaille peut-être pas assez les motifs et obsessions qui couvent sous ce scénario et qui sont pourtant siens.

On pourrait dire que Le dahlia noir est un film sur une image (celle de cette jeune actrice) dont l’aura va contaminer les personnages et les fasciner. Les plus beaux moments du film sont sans doute ceux où les flics découvrent les essais (casting, rushs) de la victime (jouée par la délicieuse Mia Kirshner qu’on avait découverte, si ma mémoire ne m’abuse pas, dans Exotica de Egoyan où elle incarnait déjà une pure image). On songe alors aux autres films de De Palma (Body double surtout) où l’on retrouve cette fascination pour l’image d’une morte et où la mise en scène se déploie autour de cette simple image (à l’inverse de Snake eyes où toute l’intrigue était construite sur l’absence d’une image).

C’est de là que découle d’ailleurs tout le « maniérisme » de De Palma, d’une image « violée » (Pulsions, Carrie…) ou meurtrie. Arrivant après l’âge classique du cinéma, il se devait de repartir d’une image qui ne pouvait plus  être vierge.

Le maniérisme du Dahlia noir n’est pourtant plus le même qu’au temps de Body Double ou Pulsions. Il ne s’agit plus de citer expressément les maîtres (Hitchcock en particulier) mais de parvenir à une sorte de « feuilleté » de la mise en scène où les images « antérieures » sont totalement assimilées. Je ne suis peut-être pas très clair alors je reproduirai la formule assez juste lue dans les Cahiers et qui disait en substance que le dahlia noir était une sorte de film noir et blanc en couleurs. C’est ce que j’essaie d’exprimer maladroitement : De Palma ne renvoie plus à un film en particulier dont il reproduit les effets mais chacun de ses plans est imprégné jusqu’à la moelle des images du cinéma classique. Ce n’est pas vraiment du cinéma « rétro » mais c’est un cinéma d’aujourd’hui totalement habité par les images d’hier et qui cherche à les retrouver. Cela se traduit soit par l’attrait qu’exerce sur un des flics la belle brune Hilary Swank (très bien) et qui évoque Vertigo ou encore par le jeu un peu figé (et pas totalement convaincant) de Scarlett Johansson, embaumée dans les postures des femmes fatales d’autrefois.

De Palma ne cherche plus à réinterpréter ou analyser les images qui le hantent, il les « embaume » (ceux qui connaissent le dénouement comprendront pourquoi j’emploie ce terme mais chuuuut…). Et comme il est très virtuose (je recommande ce magnifique plan-séquence à la grue lorsqu’on découvre pour la première fois le cadavre de la petite actrice), on est happé par sa narration onctueuse et presque ouatée qui rappelle la lumière si particulière de nos classiques bénis.

Mais c’est aussi cette virtuosité qui nous amène à nous poser des questions : De Palma ne nous aurait-il pas « endormi » et « manipulé » pour éviter d’aller plus loin dans le traitement de ses obsessions. Car il faut quand même le reconnaître, le côté « dessous sulfureux » d’Hollywood est assez convenu et pas très réussi (ce n’est pas Mulholland drive !). Quant à la fascination pour cette morte, elle manque aussi un peu de force et d’intensité.

 

 

 

Voilà, vous comprenez maintenant pourquoi je suis embêté. Parce qu’au bout du compte, j’ai l’impression d’un film un peu superficiel et certainement pas d’un grand De Palma ; mais qu’en même temps, je ne veux pas donner l’impression de bouder un plaisir réel que j’ai eu à suivre les péripéties de ce film noir. J’attends donc avec impatience vos réactions et vous donne tout de suite la parole…

 

 

 

 

 

 

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