Gaspard de Besse (1935) d’André Hugon avec Raimu, Antonin Berval

 

 

N’ayant pas eu le temps de regarder un film hier soir ; j’ai recours à mes dernières cartouches en délayant les deux, trois lignes relatives au ci-devant nanar antédiluvien d’André Hugon que je voulais insérer en post-scriptum hier mais qu’un fâcheux oubli a fait passer à la trappe.

Le problème, c’est de trouver quelque chose à dire sur ce cinéaste tombé dans les limbes de la mémoire cinéphilique malgré deux ou trois maniaques qui tentent coûte que coûte de le ressusciter (et ça marchera peut-être tant qu’il y aura des maniaques comme moi pour regarder ses films !). On signalera aux amateurs d’anecdotes historiques qu’Hugon est l’auteur du premier film parlant français (les trois masques en 1929) et j’ai dans l’idée, au vue des titres de sa filmographie notés sur mes tablettes (Moïse et Salomon parfumeurs,  Lévy et Cie, Les galeries Lévy et Cie ou encore les mariages de Melle Lévy), qu’on a affaire à un lointain ancêtre du cinéma de Thomas Gilou (les deux La vérité si je mens) !

Pourquoi regarder ses films, allez-vous me rétorquer l’œil sombre et le sourcil froncé ? Mais, mille millions de foutre ! Parce qu’il met en scène Gaspard de Besse, sorte de Robin des bois français, détroussant les riches pour donner aux pauvres, qui officia en Provence un peu avant la Révolution française et qui fut si aimé qu’en 1787, « il marcha vers la roue sur un tapis de pétales de fleurs semés sous ses pas par les belles Provençales » [René Réouven].

Et comme nous confessons une affection sans borne pour les mauvais larrons réfractaires walschiens à la Pini, Mesrine, Bonnot(1) et les gentlemen-détrousseurs à la Cartouche, Mandrin, Charles E.Bolton (2)  ou le génialissime Alexandre (dit Marius) Jacob (« La société ne m’accordait que trois moyens d’existence : le travail, la mendicité, le vol. Le travail, loin de me répugner, me plaît. L’homme ne peut même pas se passer de travailler, ses muscles, son cerveau possèdent une somme d’énergie à dépenser. Ce qui m’a répugné, c’est de suer sang et eau pour l’aumône d’un salaire, c’est de créer des choses dont j’aurais été frustré. En un mot, il m’a répugné de me livrer à la prostitution du travail. La mendicité, c’est l’avilissement, la négation de toute dignité. Tout homme a droit au banquet de la vie. LE DROIT DE VIVRE NE SE MENDIE PAS. IL SE PREND. » (Extrait de son procès)) ; nous salivions à l’idée de savourer les exploits hauts en couleurs du grand Gaspard.

Imaginez un cinéaste épique et inspiré (le De Broca de Cartouche, par exemple) sachant mettre en scène ce type de situation :

« Gaspard (car c’était lui !) se pencha vers le collecteur d’impôts.

-Monsieur le trésorier, voulez-vous avoir la bonté de déplacer vos jambes, afin de dégager cet objet qui doit vous refroidir désagréablement les pieds ?

-Vous n’avez pas le droit ! s’écria Prosper

-C’est vrai. Mais comme vous n’aviez pas non plus celui de rançonner les pauvres diables que vous avez dépouillés, nous sommes quittes.

-Vous êtes un voleur ! glapit le trésorier.

-Pas plus que vous. Vous les déplacez, vos pieds ? » [Jacques Bens]

Nous nous serions régalés ! Las, Hugon filme son héros avec une désespérante mollesse et son film n’est qu’un écrin pauvret se contentant de recueillir le numéro des acteurs. Dans le rôle de Gaspard, Antonin Berval (qui ça ?) a le charisme d’un délégué syndical de la CFDT. C’est une horreur ! Il se fait voler la vedette par Raimu qui joue son assistant. Je vais peut-être faire hurler certains d’entre vous mais l’acteur, avec sa bonhomie et son accent provençal, est E-POU-VAN-TABLE !!! C’est le pire des cabotinages théâtraux qu’on puisse imaginer. Déjà que ne je goûte aucunement le folklore méditerranéen (le félibrige, les Pagnolades, les gros santons mous et anisés génocidant les coccinelles à coup de boules de pétanques…) mais là, ça dépasse la mesure du numéro de chien savant « avé l’assent » (3).   

 

Bref : Gaspard de Besse est un personnage passionnant mais le film est totalement nul !



1 « Bonnot

La foortun’ pour toi

Ne comptait pas mais les bourgeois

En avait trop et c’est pour ça

 

 

Bonnot

Que tu leur prenais

Des lingots pour les partager

Avec ceux qui étaient fauchés »  (Boris Vian)

 

 

2 Noël Godin nous le décrit comme « un dandy solitaire à la canne au pommeau d’or qui, au Far West, ne dévalisait jamais une diligence sans laisser dans les sacs vides en guise de consolation…un petit quatrain de son cru. » 

3 Que mes aimables lecteurs qui ont la chance d’habiter dans le Sud (Vincent, Ludo…) ne m’en veuillent pas de cette sortie anti-régionaliste ; j’aurais pu dire la même chose des bretons, des basques, des bourguignons ou des alsaciens : le folklore, c’est vraiment pas mon truc !

Retour à l'accueil