Jeune et innocent (1937) d’Alfred Hitchcock

 

 

 

Un aimable correspondant (mettant malheureusement peu souvent à jour son blog pourtant hautement recommandable) me signalait un texte du critique Louis Skorecki où étaient comparées les périodes anglaises et américaines d’Hitchcock. Pour lui, les films anglais du maître correspondent à un état d’insouciance, un moment privilégié où les thèmes de l’œuvre sont déjà en germe mais sans le poids des obsessions et des inquiétudes qui gagneront les films américains (je schématise très brièvement la pensée de l’auteur !). Jeune et innocent, c’est exactement ça ; à tel point que j’avais parfois l’impression de voir une version « light » de la mort aux trousses.

 

 

 

Parce qu’il a été surpris en train de courir sur une plage, non loin du cadavre d’une actrice ; un jeune homme est accusé à tort de meurtre (en fait, il courrait chercher de l’aide). Grâce au soutien de la fille du commissaire, il va parvenir à s’enfuir et tenter de retrouver la preuve de son innocence… Un malentendu qui déclenche un mécanisme fatal et qui broie un individu dans une vaste machinerie qui le dépasse, c’est exactement le même schéma fictionnel que celui de la mort aux trousses. On retrouve également le thème cher à Hitchcock du faux-coupable et son goût pour déployer sa mise en scène autour de presque rien (les fameux « Mac Guffin »). Ici, tout le film est construit autour de la recherche d’un simple imperméable.

 

 

 

Par contre, ce qui change, c’est le ton du film. Autant la mort aux trousses peut apparaître comme une sorte de cauchemar climatisé, un film kafkaïen où Cary Grant se retrouve menacé pour des raisons qu’il ignore et par des gens qu’il ne connaît pas ; Jeune et innocent s’avère plutôt décontracté. Comme le titre l’indique, le héros a pour lui sa jeunesse et la certitude de son innocence. Pas d’inquiétude dans cette course-poursuite mais un vrai goût du batifolage. A certains moments, le spectateur a le sentiment que conter fleurette à la jolie demoiselle qui l’a pris sous son aile lui importe plus que de retrouver son imper et le vrai coupable. D’où ce sentiment d’insouciance, de frivolité qui parcourt le film. Hitchcock joue volontiers la carte de l’humour et laisse à ses tourtereaux le temps de s’offrir un pique-nique ou une partie de colin-maillard chez une vieille tante un peu trop curieuse.

 

 

 

Tout cela est bien agréable mais pour les amateurs d’Hitchcock, habitués à des plats plus conséquents, on en arrive à se dire que c’est presque un peu léger. A part un plan sublime (un long mouvement de caméra aérien qui parcourt la salle de danse d’un grand hôtel pour aller désigner en gros plan le véritable coupable de l’affaire), on aura bien du mal à reconnaître le génie stylistique dont le cinéaste fera preuve par la suite. Oh ! c’est loin d’être mal filmé ! La mise en scène est alerte, le montage vif mais tout cela reste quand même assez pépère. Hitch se moque éperdument de son intrigue et la résout d’une manière totalement désinvolte (que le coupable soit un tel ou un autre n’a aucune importance, on ne comprend d’ailleurs pas véritablement le mobile du meurtre à moins qu’il soit explicité dans le prologue du film).

 

 

 

Ce qui surnage, encore une fois, c’est cette idée d’insouciance dont parlait Skorecki. On est jeune (donc innocent) et on ne se pose pas encore les torturantes questions qui vont venir par la suite. C’est le temps des balades en voiture, des flirts gentillets et de la poursuite de l’amour.

Le résultat est un divertissement (dans le bon sens du terme) sans doute mineur mais tout à fait agréable et dont on aurait tort de se dispenser…

 

 

 

 

 

 

 

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