On aura tout vu (1976) de Georges Lautner avec Pierre Richard, Miou-Miou, Jean-Pierre Marielle, Gérard Jugnot, Henri Guybet, Sabine Azéma, Renée Saint-Cyr, Michel Blanc

 

 

Dites-moi, mes enfants, il semblerait que vous ayez bel et bien déserté la zone « commentaires » de cet endroit. N’avez-vous plus l’envie de me faire part de vos réactions ou essayez-vous de me faire comprendre discrètement que vous vous fichez éperdument des films dont je vous parle ? Dois-je comprendre que ma vaste entreprise d’éducation des masses en vue d’un soulèvement général qui ne saurait tarder si le temps et Ségolène nous le permettent, serait dramatiquement vaine ? Etes-vous donc totalement hermétique à toute espèce de culture et à toute tentative d’élever votre esprit, bande d’électeurs boursouflés d’ingratitude !

Soit ! Nous serons cléments pour ce soir et je pousserai même la munificence jusqu’à vous parler de Georges Lautner ! Ne me dites pas que vous ne connaissez pas cet homme : c’est la quintessence de la France ! Outre ses polars parodiques biturés aux dialogues d’Audiard (les tontons flingueurs, les barbouzes) ; Lautner, c’est un pedigree lourd en réminiscences de soirées télé familiales. C’est de l’esprit 70-80 concentré en briques ! On a tous un souvenir lié aux films de Lautner : Belmondo et ses rouflaquettes, Mireille Darc et ses déshabillés vaporeux, les trognes de Guybet ou Michel Constantin, Belmondo en caleçon et/ou dans un placard, Jean Lefebvre se battant contre des hippies ou des sorciers, les répliques taillées à la hache et prononcées goulûment par Blier ou Ventura, Belmondo en flic viril avec le blouson noir et la dentition étincelante…Comme dirait un des mes brillants voisins, ce n’est pas du Ronsard mais que celui qui n’a jamais goûté avec avidité au gros rouge qui tâche nous jette la première pierre…

 

 

Je n’avais pas revu On aura tout vu depuis un certain temps et me suis dévoué afin de nouer un semblant de dialogue avec toi, ô frère (je préfère ta sœur mais tu peux rester !) humain qui m’a lâchement abandonné pour aller te vautrer dans des contrées où l’air est plus respirable que dans ces sommets où je te convie presque chaque jour pour chauffer tes vieux os rouillés à la flamme de l’Esprit ! Dans mon souvenir, c’était un des meilleurs films de Lautner. A la revoyure, ça ne casse pas trois pattes à un canard mais ça se laisse regarder avec le sourire. C’est surtout un document d’époque car, comme nous le rappelait un excellent petit documentaire diffusé après ce film et intitulé l’âge d’or du X, Lautner a réalisé ce film au moment où déferlait sur la France le raz-de-marée du cinéma pornographique dont on a du mal à mesurer l’ampleur aujourd’hui (les hôtels du sud-ouest bondés parce que nos voisins ibériques, encore sous le joug du caudillo, venaient s’encanailler le week-end, un film comme Les jouisseuses de Lucien Hustaix qui fit 25000 entrées à Marmande, ville comptant 15000 habitants ! etzouille, etzouille…). Un tel phénomène ne pouvait pas laisser indifférent les réalisateurs de comédie et c’est ainsi qu’on le retrouva moqué dans Attention les yeux de Gérard Pires (pas vu !), Silence…On tourne de Roger Coggio (pas vu !) ou encore l’épouvantable Ca va faire mal de Jean-François Davy (pourtant le réalisateur d’un des plus fameux pornos français, à savoir Exhibition).

Dans On aura tout vu, Pierre Richard est un apprenti-cinéaste qui en a marre de végéter dans la pub et qui accepte de transformer le scénario qu’il a co-écrit avec un ami (Guybet) en un film porno pour pouvoir tourner. Bien sûr, ledit ami n’est pas au courant et il se heurte à l’incompréhension de sa petite amie (Miou-Miou).

Ce qui a le plus mal vieilli, c’est le côté ultra-moralisateur du film ; la distinction neuneu entre « l’amour » avec un grand A (forcément tendre et pudique) et le sexe condamnable par essence. A un moment où certains films pornos étaient encore porteurs de valeurs émancipatrices (la liberté de disposer de son corps, de jouir sans entrave…), le discours de ce film est aussi exaltant que les croisades anti-pornos des Michel Royer ou Maurice Druon de l’époque !

Cinématographiquement, c’est plus près du vaudeville échafaudé au bulldozer que du Lubitsch mais ça fonctionne malgré tout pour deux raisons. D’une part, un script assez malin signé Francis Véber (le cinéaste s’appelle évidemment François Perrin), qui réserve quelques gags assez savoureux, et une brochette d’acteurs épatants. Pierre Richard est dans son registre habituel et il est bien, Miou-Miou est un peu desservie par le fait qu’elle est la caution « morale » du film mais son petit minois est craquant à souhait. Il y a aussi (et surtout) une ribambelle d’excellents seconds rôles. Le film est également une curiosité d’époque parce que le Splendid y est filmé et on voit les premiers pas des futures vedettes Michel Blanc (avec encore quelques cheveux) et Gérard Jugnot (très, très bon dans le rôle de « remanieur » de scénario). Mais celui qui décroche le pompon, c’est l’impérial Jean-Pierre Marielle ! Chacune de ses apparitions en producteur cauteleux (Bob Morlock, le nom déjà est génial !) est à se tordre de rire. Il faut l’entendre promouvoir son film La vaginale (j’aime beaucoup tous les gags autour des titres de films) à la grande bourgeoise Renée Saint-Cyr ou pousser ses collaborateurs à rendre le film plus « hard » pour mesurer le génie de cet acteur. Rien que pour lui, cette petite comédie datée mais rigolote mérite le coup d’œil…

 

 

 

 

 

 

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