Bidoche à tous les étages
La maison près du cimetière (1981) de Lucio Fulci
Cela faisait un petit bout de temps que nous n’avions pas devisé du cinéma d’horreur autour d’une bonne platée de sauce bolognaise. Au programme, un menu corsé puisque au royaume des artisans-tripiers transalpins, Lucio Fulci fait figure de roi. Nous avions déjà croisé le bonhomme le temps d’un western sanglant totalement raté (les quatre de l’apocalypse) et nous le retrouvons barbotant dans le genre qui lui a permis de sortir d’un certain anonymat (qui se souvient de ses films avec Franco et Ciccio ?) : le gore.
Ce qui m’a toujours (un peu) séduit dans les films sanguinolents du sieur Fulci (Frayeurs, l’au-delà, l’enfer des zombies), c’est qu’ils sont dépourvus du moindre second degré. C’est maintenant assez rare de voir des films d’horreur « sérieux » et dont l’unique préoccupation est de foutre les pétoches. Aussi bancals soient-ils, on garde en mémoire quelques scènes affreuses et/ou traumatisantes de ces films.
La maison du cimetière s’inscrit assez bien dans cette veine (c’est le cas de le dire même si lesdites veines sont souvent ouvertes voire déchiquetées !). Une petite famille s’installe dans une maison hantée par un zombie peu accueillant qui ne tarde pas tellement avant de se livrer à d’atroces carnages. Au programme des réjouissances : décapitations, démembrements, égorgements et des hectolitres de sang déversés avec une conscience professionnelle qui force le respect.
Comme la plupart des bons artisans italiens qui se respectent, Fulci a largement puisé dans les classiques de l’horreur américaine pour bâtir tant bien que mal son récit. Une bonne louche d’Amityville (pour la maison hantée), un soupçon de Romero (pour les zombies sanguinaires), une pincée de Shining (le plan du père qui découpe une porte à la hache et frôle la tête de son fils, le bambin qui converse avec une petite fille imaginaire) ; le tout sous le haut-patronage d’Henry James (le personnage de la nounou) qui n’en demandait pas tant !
Le sérieux papal et quelques scènes plutôt pas mal troussées (je songe à ce plan où la caméra effectue soudain un mouvement ascendant dans la maison et provoque par ce simple décadrage du personnage féminin un sentiment de malaise) font que le film n’a rien de déshonorant et qu’il se regarde avec une petite larme nostalgique pour l’absolu mauvais goût de ses premières années de la décennie 1980 !
Néanmoins, on aimerait que ces exhumations bienvenues par les chaînes câblées soient précédées d’un minimum de politique éditoriale afin que nous n’ayons pas le sentiment d’assister à une liquidation de stocks encombrants ! Je trouve inadmissible qu’on nous balance une version doublée aussi atroce que celle que nous avons pu voir. En la matière, mes oreilles ont supporté des horreurs mais jamais à ce point (le son, de manière général, était dégueulasse). Le petit enfant blondinet a déjà suffisamment une tête à claques mais l’affreuse voix française dont il est affublé nous faisait espérer une seule chose : une éviscération rapide et propre !
A côté de cela, la construction du récit est complètement de guingois et Fulci affiche une désinvolture à son égard qui laisse pantois. Le film collectionne les incohérences les plus grosses (personnes ne se rend compte des meurtres alors que le zombie a foutu du sang partout : peut-être a-t-il eut le temps de faire rapidement le ménage avant de redescendre dans sa cave !) et l’on se fiche éperdument de ce personnage de médecin censé donner la clé de l’énigme. On touche ici une sorte de limite du film d’horreur à savoir que tout est centré sur les scènes gore. Elles sont à peine intégrées au récit et constituent une fin en soi, comme la scène de cul en tant que telle constitue le nerf du cinéma porno (le sang qui jaillit évoquant d’ailleurs un autre jaillissement, celui…Euh ! Enfin, vous m’avez compris…).
Ce sentiment d’artificialité du récit, on ne le ressent pas devant de grands films gore comme Ré-animator de Stuart Gordon ou le délirant Brain dead de Peter Jackson (où la construction dramatique du récit, axée sur l’accumulation, est très habile) . Et c’est ce sentiment qui m’a empêché d’adhérer totalement à cette Maison près du cimetière.