Nabonga (1943) de Sam Newfield avec Buster Crabbe, Julie London

 

Puisque nous parlions de récompense à propos du film de Jacques Audiard (huit Césars, si je ne m’abuse), commençons par présenter ce Nabonga par la prestigieuse distinction qu’il obtint en 1985, au festival Sigma de Bordeaux. Le Navet doré fut effectivement raflé par Sam Newfield et Nabonga entra dans les annales du septième Art comme le « plus mauvais film du monde », récompense convoitée qui fit blêmir de jalousie Claude Lelouch tout en couronnant assez justement l’œuvre d’un des cinéastes les plus formidablement incompétents de l’histoire du cinéma. A ce titre, on ne louera jamais assez la maison d’édition vidéo « Bach movies » qui nous a exhumé cette perle rare sans le moindre travail de restauration, nous laissant ainsi savourer une post-synchronisation épouvantablement dégueulasse (il faut tendre l’oreille pour comprendre ce que disent ces voix françaises qui semblent avoir été enregistrées dans un hangar !). Mais cet immonde doublage n’est pas sans ajouter une certaine dose de folie surréaliste à un film déjà bien allumé…

 

L’histoire ? Ca vous intéresse vraiment ? Un avion s’écrase dans une jungle et seule une fillette s’en sort. Elle est secourue et élevée par les singes. Des années plus tard, deux groupes d’hommes blancs (un bon et un méchant) se rendent sur les lieux de l’accident pour retrouver un trésor, volé autrefois par le père de la demoiselle… Tous les ingrédients sont là pour un palpitant film d’aventures avec son lot d’exotisme, de bestioles patibulaires, de marches harassantes dans une nature hostile et de romance amoureuse entre le jeune premier et la belle sauvage… Tous les ingrédients sont là, sauf que nous sommes dans l’économie de la plus pure série Z ! Il faudra donc savoir modérer ses attentes…

La jungle ? Faudra vous contenter d’un bout de studio avec quelques feuillages ! Les animaux dangereux ? Bah, des stock-shots de documentaires animaliers feront l’affaire ! On notera quand même un grand moment où notre jeune héros se jette courageusement dans un combat au corps à corps avec un crocodile pourtant bien inoffensif (en fait, comme Bela Lugosi et sa pieuvre dans Bride of the monster d’Ed Wood ; Buster Crabbe se jette sur un reptile en caoutchouc et l’agite dans tous les sens pour donner l’illusion du mouvement et de la bataille).

Quand aux conditions de vie dans la jungle, que nous imaginions rudes et sans pitié ; nous devrons convenir que le film en donne une image réellement neuve puisque notre héroïne, élevée depuis l’enfance par les singes, est toujours impeccablement maquillée et permanentée, avec même une décoration florale fantaisiste dans la coiffure. Mieux ! Elle est parfois munie… d’un sac à main qui fera sans doute rire les amateurs de séries Z pendant de nombreuses années.

 

Absolument fauché, Nabonga et son gorille belliqueux (un acteur est caché là-dessous) se débrouille toujours pour en rajouter dans le calamiteux et le n’importe quoi. L’indigence la plus parfaite règne en maître et l’on ne pourra que s’esclaffer devant ces aventures de pacotille qui fleurent bon le colonialisme d’antan (ah ! le fidèle serviteur noir qui ne cesse de dire « oui, bwana »). A quoi bon parler « technique » (certains plans ne sont quasiment pas éclairés) alors que nous sommes dans un univers qui nous dépasse, l’univers d’un maître qui a réalisé plus de 150 films (dont le fabuleux Terror of Tiny town dont je vous avais parlé autrefois (ici), hallucinant western interprété par des nains) et que Jean-Pierre Putters n’hésite pas à qualifier d’ «père spirituel de Jess Franco ».

Tout est dit !

 

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