Sage hybridation
Jesse James contre Frankenstein (Jesse James meets Frankenstein’s daughter) (1966) de William Beaudine
Ludo de Série bis est un être vil et méprisable ! Jugez plutôt : cela faisait un certain temps que, dans mon esprit, je peaufinais une introduction du tonnerre pour cette note, profitant de son absence prolongée pour vous annoncer, fier comme un coq, que je prenais le relais et me chargeais désormais de vous initier régulièrement aux joies suprêmes de la série Z la plus calamiteuse. Sauf qu’après trois bonnes semaines de désertion, voilà que le bougre nous pond hier deux notes fort passionnantes et qu’il me fait tomber mon effet à l’eau ! Si ça ne s’appelle pas couper l’herbe sous le pied des collègues ! Je propose qu’en guise de punition, le coquin nous régale de notes beaucoup plus régulières (au moins trois par semaine) et que vous, aimables lecteurs, n’hésitiez pas à aller jeter un œil à son blog dont je ne me lasserai jamais de louer la qualité. Allez lui dire que ces choses ne se font pas, bon Dieu !
Fort de cet emportement salutaire, les plus rusés d’entre-vous auront compris que j’avais déjà en tête une introduction de rechange (elle est faite !) et constateront que dans l’art de brasser du vent et du bavardage inepte, je parviens quasiment à égaler les putains politiciennes en campagne. Mais trêve de considérations oiseuses ! Il y a des choses plus importantes dans l’existence que le centrisme révolutionnaire (la bonne blague !) de Bayrou ou les provocations policières de Sarkozy, grand manitou proclamant qu’il est le seul à pouvoir mettre un terme à une situation critique qu’il a lui-même créée. Que sont ces nains, n’est-ce pas, à côté de William Beaudine, de Jesse James et de la fille de Frankenstein ? Sachez quand même repérer l’essentiel, le Grand et le Beau, s’il vous plait !
Bref, William Beaudine ! L’homme aux 200 films ! Celui qui fit tourner aussi bien l’immense W.C Fields (voir ici) que les pitoyables East Side Kids (voir là). L’homme qui se satisfaisait, en toute circonstance, d’une unique prise de vue (d’où son surnom de « one-shot Beaudine ») et qui arpenta tous les territoires du cinéma bis, de la comédie aux films fantastiques miteux. C’est dire le pincement au cœur qui me vint quand je découvris que son dernier film, Jesse James meets Frankenstein’s daughter, était disponible en DVD pour deux modestes euros (merci Bach films). Un titre pareil promettait moult aberrations délirantes ne pouvant qu’éveiller nos papilles de gourmet cinéphage.
Surprise ! Le film se révèle plutôt soigné et Beaudine, nonobstant un point de départ totalement surréaliste, se montre plutôt fidèle au genre et s’inscrit moins dans l’économie fauchée du Z que dans celle de la solide série B d’antan.
Contrairement à ce que laisse entendre le titre original du film (sans parler de la version française !), le film met en scène la petite-fille de Frankenstein, bien décidée à poursuivre les expériences de son glorieux aïeul et à créer un être hybride en greffant un nouveau cerveau sur des villageois utilisés comme cobayes. Mais face aux échecs à répétition, la damoiselle comprend qu’il lui faut un cobaye plus costaud, capable de résister au choc de l’opération…
Ca tombe bien, Jesse James et son fidèle compagnon Hank, un molosse tout en muscles qui vous désintègre en éternuant, passent dans le coin… Et Beaudine de passer d’un film fantastique dans la plus pure tradition des classiques Universal à un petit western goguenard avec saloons, rixes entre garçons vachers et marshals à la poursuite de l’ennemi public numéro un !
Fallait oser la greffe entre les deux, Beaudine l’a fait ! Et il ne s’en tire pas si mal. Bien sur, sa mise en scène est un brin poussive (elle manque un peu d’expressivité) et certains plans, en nuit américaine, sont totalement sous-exposés (on ne voit rien !) . A côté de ça, les décors sont plutôt beaux et l’on constate un véritable effort pour soigner la réalisation (un beau technicolor bien kitsch !). On oublie assez vite le passage d’un genre à un autre (j’aime quand même beaucoup ce moment où la petite-fille de Frankenstein parvient à greffer son cerveau sur Hank et rebaptise tout de suite sa créature…Igor ! Il s’agit vraiment de ne pas perdre les traditions familiales) et le film se suit sans déplaisir.
On finit juste par regretter que les alléchantes promesses annoncées par le titre ne soient finalement pas tenues et qu’en lieu et place d’une série Z hybride et disjonctée, on nous serve une honnête série B sans réel cachet…