Le vieux jardin (2006) d’Im Sang-Soo

 

 

 

Im Sang-Soo fait partie de ces cinéastes coréens prometteurs dont on aime à suivre l’évolution. Personnellement, j’ai manqué son The President’s last bang mais j’avais apprécié Girl’s night out et surtout, le très beau Une femme coréenne (voir ici).

Sur le papier, Le vieux jardin pourrait apparaître comme une synthèse des divers flux qui irriguent le cinéma de Im : un flux politique qui permet au cinéaste de revenir sur la dictature sud-coréenne dans les années 80 et sur les révoltes étudiantes durement réprimée dans la province de Kwangju (The President’s last bang se situait déjà durant cette période et mettait en scène les dernières heures du dictateur Park) ; un flux « sentimental » qui rameute les souvenirs d’Une femme coréenne.

En relisant ma note sur ce dernier film, je me suis rendu compte que j’avais utilisé le terme de « pointillisme » et c’est exactement le même qui m’est venu à l’esprit en découvrant le vieux jardin. Im Sang-Soo brise la linéarité de la narration et propose le portrait d’un homme et d’une femme pris dans le tourment de l’Histoire en juxtaposant une série de petites scènes qui naviguent entre le présent et le passé et qui finissent par dessiner une vaste trame où le drame individuel croise le destin collectif d’un pays (à travers ce film, Im Sang-Soo rend hommage à ces militants grâce à qui « on vit mieux aujourd’hui »).

Hyun-Woo, militant socialiste, sort de prison après dix sept ans de réclusion. Il retrouve des anciens compagnons de route mais apprend que celle qui l’a caché et qu’il a aimée, Yoon-Hee (sublime actrice qui prouve une fois de plus que les femmes asiatiques sont les plus belles du monde !) est morte d’un cancer. A partir de là, les images du passé se mêlent à celles du présent et nous revivons l’histoire de ce couple : leur amour dans cette montagne isolée, les manifestations réprimées, le désir d’engagement, les arrestations, la prison, les rêves brisés et les vies sacrifiées…

 

 

 

Grâce à ce style pointilliste qui fait avancer le récit de manière non linéaire mais par petites touches, Im Sang-Soo parvient à capter l’attention du spectateur. La manière dont il entremêle la sphère de l’intime et celle de l’Histoire est assez intéressante même si parfois m’est venue à l’esprit l’idée que le cinéaste n’avait fait ce film que pour permettre à des critiques d’observer cette enchevêtrement du drame individuel et du drame collectif. Je ne suis peut-être pas très clair alors je résumerai ma pensée broussailleuse en vous avouant que j’ai trouvé le film un peu fabriqué parfois et, en tous cas, très conscient de ses effets.

Il n’est pas sans intérêt pour autant mais l’enthousiasme qui l’a accueilli mérite d’être nuancé.

 

 

 

Je trouve, par exemple, que la dimension politique de ce film est presque totalement ratée, surtout en terme de figuration (les corps carbonisés par un feu numérique, c’est foutrement laid et on n’y croit pas une seconde). Toutes les scènes de foules, de grèves, de manifestations m’ont semblé sans puissance et purement décoratives. La seule chose que le cinéaste réussit, c’est la dimension « commémorative » (vous êtes priés, cependant, d’enlever la connotation pompeuse du terme). Ce qu’il parvient à saisir, par sa construction narrative complexe, ce sont des traces du passé, des souvenirs voués à l’oubli. Im tente de graver ces traces dans le marbre (belle scène où un cadavre calciné est « effacé » du plan par un effet spécial et où ne subsiste qu’une légère trace noircie au sol) et de les faire ressurgir.

Traces d’un passé douloureux mais traces également d’un amour défunt. Pour le coup, la dimension sentimentale du film m’a paru plutôt convaincante pour peu qu’on goûte, comme moi, aux mélodrames retenus. Sans avoir le génie de Wong Kar-Wai ou d’autres cinéastes de la même trempe, Im Sang-Soo parvient à faire sourdre une subtile émotion en évoquant les souvenirs d’une passion bridée d’où ne surnagent que des regrets. Il évite les effets trop faciles et parvient à désamorcer le pathos qui menace parfois de plomber le film (à ce titre, je recommande la scène finale avec la fille du héros).

Au bout du compte, le vieux jardin se révèle plutôt classique et ne me paraît pas bouleversant stylistiquement. Mais malgré ses maladresses, ses roublardises et son côté un brin trop « maîtrisé », c’est un film qui finit par trouver sa petite musique et qu’on ne peut trouver qu’attachant…

NB : Rien à voir mais c'est parce que vous avez la chance de pouvoir voir ça que je vous hais, Parisiens !

 

 

Retour à l'accueil