Barbarella (1968) de Roger Vadim avec Jane Fonda

 

En 1956, Vadim croise le chemin d’une jeune comédienne, Brigitte Bardot, qui n’a alors tourné que de sombres nanars franchouillards. Au lieu de la diriger autoritairement et de l’emprisonner dans le carcan d’un scénario bétonné, le jeune cinéaste à l’idée de génie de l’observer et de la laisser libre de ses mouvements. A l’écran, nous ne voyons plus une actrice mais une nature dont chaque geste, chaque réplique idiote (« quel cornichon ce lapin », nous n’aurions jamais entendu ça dans un film d’Autant-Lara ou de Carné !) marquera définitivement les esprits et préfigurera le cinéma de la Nouvelle Vague. Le film s’intitulera Et Dieu créa la femme et, sans être un chef-d’œuvre (loin de là !), s’il demeure encore aujourd’hui le meilleur film de Vadim, c’est qu’il fit office de pythie pour une époque nouvelle.

La suite prouvera, par contre, que Vadim fut un très mauvais cinéaste ; recyclant les vieilles recettes de l’académisme « qualité française » d’antan (adaptations de classiques comme Laclos ou Zola) en les pimentant de quelques audaces au goût du jour (un sein dévoilé, une paire de fesses fugitivement révélées…). C’est tellement flagrant aujourd’hui que j’en viens à douter du goût que je professais jusqu’à présent pour François Ozon. Un navet comme Angel ne tend-il pas à prouver que ce cinéaste a bénéficié de notre intérêt à cause de quelques provocations très à la mode lui permettant de masquer le conventionnalisme de son inspiration ? L’avenir nous le dira mais il est grand temps de fermer cette parenthèse pour en arriver à Barbarella.

Avec ce film de SF à gros budget pour l’époque (adapté de la BD de Jean-Claude Forrest) ; Vadim ne semble avoir que deux buts : en mettre plein les yeux aux spectateurs et filmer son épouse d’alors, Jane Fonda, sous toutes les coutures. 40 ans après, difficile de ne pas sourire devant un résultat aussi kitsch. Même dans les pires séries Z américaines, nous n’avons pas autant ce sentiment de ne jamais être dans l’espace mais dans un décor de studio mal fichu !

Barbarella est une jolie terrienne dépêchée par son gouvernement pour mettre la main sur l’affreux Duran Duran, inventeur d’un rayon capable de réintroduire la guerre sur une terre pacifiée depuis des siècles.

Le résultat fleure bon le « summer of love » avec cette héroïne toujours prête à se livrer corps et âme aux hommes qu’elle croise (elle retrouve même le plaisir ordinaire de l’amour charnel alors qu’une pilule permet désormais de se livrer aux ébats amoureux en se touchant seulement la main !).

Décors futuristes invraisemblables, costumes improbables (signés par le charlatan Paco Rabanne) et rebondissements cucul composeront l’essentiel de ce menu où le véritable plat de résistance reste la divine Jane.

Après le mythique strip-tease en apesanteur qui ouvre le film et qui dégivrerait le plus coincé du calcif des fidèles de Saint-Nicolas du Chardonnet ; la belle est de tous les plans et Vadim se plait à l’accoutrer des tenues les plus légères et les plus sexy. Difficile de résister à cet érotisme désuet lorsque la belle se fait attaquer par des poupées carnivores (est-ce ce film qui a inspiré Stuart Gordon ?) ou par de féroces perruches (sic !) qui lui déchirent les chairs mais surtout les vêtements (oh, yeah !). Vadim se montre obnubilé par sa muse (on le comprend, elle est à croquer !) et en fait une icône pop, capable par sa séduction de rendre à un ange la capacité de voler (l’amour donne des ailes, c’est bien connu) ou même de détraquer la « machine à plaisir » inventée par le cruel Duran Duran qui échouera à pousser à bout la volcanique blonde.

Face à un film aussi ringardissime (mais charmant), on se dit que Vadim n’a fait du cinéma que pour filmer de belles actrices sous tous les angles (mauvais cinéaste mais homme de goût !)

On se demande également un instant pourquoi l’imagerie pop et futuriste de Barbarella n’a pas permis à ce film de devenir un « must » des cinéphiles déviants. Puis on lit dans Télérama que la très mauvais Roberto Rodriguez a projeté d’en faire prochainement un remake. Ca sera sans doute nul et aseptisé (le secret de l’érotisme des années 60 et 70 est malheureusement définitivement perdu) mais la boucle est maintenant bouclée…

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