C'est Lawrence qu'on assassine...
L’amant de lady Chatterley (1981) de Just Jaeckin avec Sylvia Kristel
Vous vous souvenez sans doute de mon avis nuancé sur Lady Chatterley, le film de Pascale Ferran. Je persiste à penser que c’est un film estimable mais je n’arrive toujours pas à comprendre l’enthousiasme critique qu’il déclenchât et cette unanimité pour en faire un parangon du cinéma d’auteur français contemporain, dernier rempart contre l’envahisseur macdonaldisé ! Lady Chatterley est un bon film du « milieu » (populaire sans être totalement crétin, littéraire sans être amidonné et académique) à une époque où ce cinéma du « milieu » n’existe plus (du moins, en France). Pascale Ferran est donc tombée au bon endroit au bon moment mais il faut savoir raison garder !
Maintenant, si l’on compare cette adaptation à celle réalisée par Just Jaeckin il y a 25 ans, il n’y a pas à tortiller : le film de Ferran est un chef-d’œuvre ! Pourtant, c’est le même scénario (une adaptation sans doute fidèle au roman de Lawrence que je ne connais toujours pas) et l’on retrouve les mêmes scènes-clés : Lady Chatterley surprenant le garde-chasse en pleine toilette, la même découvrant son corps devant le miroir, les caprices du mari handicapé, la scène de danse sous la pluie et des fleurs déposées délicatement sur le corps nu de la belle amante (à l’eau…Ben, oui ! Après la pluie…Ok, je sors…).
Et pourtant, rien de commun entre cette antiquité polissonne érotico-chic-aseptisée et le film, non sans défauts mais incarné de Pascale Ferran. Il faut dire que derrière la caméra, on retrouve Just Jaeckin, docteur ès érotisme « papier glacé ». Et au risque de m’attirer les foudres de quinquagénaires nostalgiques de leurs émois adolescents devant la belle Sylvia Kristel dans son fauteuil en rotin ; je n’arrive pas à comprendre comment ce navet absolu que reste Emmanuelle a pu devenir avec le temps un symbole de l’érotisme triomphant ! Avouez que le film dégage autant de sensualité que l’idée de voir Christine Boutin en nuisette !
Après Emmanuelle Arsan et Pauline Réage (le soporifique Histoire d’O), Jaeckin persiste dans l’alibi culturel en embellissant ses cucuteries sans nom d’un pâle vernis littéraire. Mais du roman de Lawrence, le cinéaste ne tire qu’une mise en scène accablante de platitude et quelques images léchées mais vides. La photographie est d’un académisme total et, avis aux amateurs- la lumière hamiltonienne nimbe sans arrêt les visages des personnages d’un halo lumineux. C’est d’une laideur absolue !
Quand à l’interprétation, c’est le désastre total. La fidèle Sylvia Kristel est très agréable à regarder mais elle est expressive comme n’importe quel bovidé regardant passer un train. Quand au moustachu qui joue le rôle du garde-chasse, on dirait un gigolo de soap-opéra ! Il est absolument grotesque, surtout lorsqu’on songe à la lourdeur et à la profondeur du comédien choisit par Pascal Ferran (dont le nom m’échappe). Entre ces deux personnages, il ne passe aucun courant électrique, aucune sensualité : juste quelques parties de jambes en l’air anonymes, déjà vues dans n’importe quel film érotique soft (très soft ! Le film de Jaeckin ne propose pas plus de nudités que celui de Ferran).
Chez Ferran, il y avait un travail sur les corps, sur le langage, sur les regards, sur les oppositions de territoires (le bois et la demeure luxueuse), de classes… Tout cela disparaît bien entendu dans le film de Jaeckin qui tente parfois maladroitement de rappeler que Constance et son homme des bois ne sont pas de la même classe sociale et que leur histoire d’amour ne va pas de soi…
Bref, lorsque vous enlevez d’une histoire d’amour le poids du désir, de la chair, de la sensualité, de la passion et des contraintes sociales qui pèsent sur elle ; il ne reste qu’un bibelot vaguement déshabillé (pas assez, mes enfants, pour nous tirer de la torpeur !), d’un ennui accablant…