Au bonheur des dames
Bordella (1976) de Pupi Avati
La libéralisation des mœurs et la vogue du cinéma érotique puis pornographique auront eu comme corollaire fâcheux d’engendrer toute une série de films sur ces phénomènes. Que ce soit sous la forme de drames moralisateurs (l’épouvantable Hardcore de Schrader, l’infect 8 mm de Schumacher…) ou de comédies racoleuses (Ca va faire mal de Davy, Attention les yeux de Pires), le genre n’a rien produit de très grand et ne sert finalement qu’à jouer sur deux tableaux : d’un côté, appâter les chalands avec quelques promesses de chairs dévoilées, de l’autre, à railler ce à quoi on s’adonne sans vergogne.
Cinéaste italien discret et très peu connu en France (je n’avais jusqu’à présent vu aucun de ses films), Pupi Avati a réalisé ce Bordella en pleine vogue porno. Son film raille les mœurs contemporaines en suivant les traces d’un patron envoyé des Etats-Unis pour ouvrir un établissement de plaisir en Italie dont la particularité est de s’adapter à la nouvelle mode et d’être exclusivement réservé aux femmes. Les grandes bourgeoises lubriques et les femmes libérées (« tu sais c’est pas si facile », comme disait le poète !) pourront ainsi venir se pâmer dans les bras d’Apollon musculeux, de repris de justice (pour viol) en reconversion (bonjour le bon goût !) ou même d’un impuissant qui exacerbera leurs instincts maternels…
On voit ce qu’Avati a voulu faire et ce n’est pas méprisable sur le papier : une satire corrosive de son époque (l’impérialisme américain y est fustigé, le féminisme outrancier tourné en dérision…) en ayant recours à un registre de comique totalement loufoque, à la limite de l’absurde et du nonsense (un homme vient demander un rendez-vous à un « politocard » accompagné de son cheval, un liftier qui boxe ses « clients », une pendaison avec des capotes anglaises…).
Tout cela pourrait être louable si la réalisation de l’ensemble n’était pas aussi indigente et laide. Le film est d’une pauvreté totale d’un point de vue cinématographique : montage phtisique, photo hideuse, gros problèmes de rythme… De plus, comme le film est italien, ça gesticule beaucoup et c’est un vacarme permanent qui use le mieux disposé des spectateurs.
Je n’aurai pas beaucoup plus à dire : Bordella est un film épuisant…