Quelques notes en vrac sur :

FELLINI

Notes en vrac

Les Clowns. Très beau. Fellini rend hommage à l’art forain qui a marqué son enfance et qui infusera toute son œuvre (La Strada en premier lieu).

La forme est hétéroclite entre fiction et documentaire, reconstitution de saynètes vécues et enquête sur les derniers des clowns (Fellini se rend d’ailleurs chez Pierre Etaix et Annie Fratellini). Nostalgie de l’évocation.  

Si l’œuvre n’est pas très connue, elle en annonce beaucoup d’autres à venir : Intervista pour le côté autobiographique. Fellini se met en scène de la même manière et croise d’ailleurs Anita Ekberg qu’il retrouvera dans… Intervista.

Ginger et Fred pour la disparition d’un art populaire et la profonde mélancolie qui accompagne cette fin d’un monde.

Beau moment d’émotion enfin lorsque l’équipe du cirque joue le Moment musical n°3 en Fa mineur de Schubert, ce même morceau que Fellini reprendra pour une scène inoubliable d’E la nave va.

 

WELLMAN

Notes en vrac

La Ville abandonnée (Yellow Sky). Mon premier Wellman ! Un western de 1948 avec un groupe de bandits mené par Gregory Peck qui s’enfuit dans le désert après un hold-up. Echappant de peu à une mort certaine, les malfrats débarquent dans une ville fantôme où ils font connaissance avec un vieux chercheur d’or et sa petite-fille (Ann Baxter).

Mise en scène de grande tenue avec une impressionnante chevauchée en début de film n’ayant rien à envier aux meilleures scènes du genre (Ford, Vidor). Rigueur du cadre pour une épopée classique avec scission au sein du groupe des bandits (Richard Widmark parfait en salaud intégral), soif de l’or, Apaches et rédemption finale. Comme toujours dans le western, les conflits moraux (la parole donnée possède plus de poids que la Loi) sont résorbés par l’amour et un certain sens de l’honneur.

 

DEVILLE

Notes en vrac

Le Mouton enragé (1974)

Une comédie de mœurs féroce et enlevée. Trintignant y incarne un type particulièrement antipathique, médiocre petit banquier timide qui décide un jour – sur les conseils d’un ami écrivain- de tout plaquer pour devenir riche et coucher avec beaucoup de femmes !

Film assez peu vu mais qui pourrait faire grincer les dents aujourd’hui (Trintignant se vante d’avoir violé Birkin au début du film). Deville joue la carte de la satire et n’épargne ni le monde des affaires, ni celui de la politique et encore moins celui du journalisme (avec un Balmer en jeune arriviste arrogant).

La mise en scène est tonique, avec ce sens de l’ellipse qui caractérise le cinéaste. Elle n’est pas non plus dénuée de quelques chichis maniérés : le goût du cinéaste pour les inserts, les mouvements de balancier imprimés à la caméra sans raison…

On apprécie aussi les ruptures de ton. Si le film débute allegretto comme une comédie grinçante, il ménage quelques passages franchement dramatiques.

Deville tourne déjà autour de son thème fétiche, celui qui sera au cœur de son meilleur film (Le Dossier 51) : la manipulation. Elle est double ici. D’abord celle qu’utilise Trintignant, tout en roueries et séduction,  pour parvenir à ses fins en se constituant un réseau d’adresse pour accéder à un certain confort matériel. Mais le véritable manipulateur, c’est l’ami écrivain (incarné par Jean-Pierre Cassel) qui tire les ficelles du récit (belle scène où Deville entrechoque les temporalités pour décrire les débuts de la liaison entre le banquier et Romy Schneider : la continuité du présent est brisée par des voix-off qui introduisent la distance du passé). Comme souvent chez Deville, une sorte de démiurge (le cinéaste/ l’écrivain) contrôle les fils du récit et les actes des personnages (même lorsque ce narrateur omniscient n’est pas clairement défini comme dans Le Paltoquet). Dans une scène de repas, il est question de Brecht et de la distanciation, que raille le mari de Romy Schneider en affirmant que le dramaturge allemand n’y avait pas recours. Deville, c’est un peu ça : la mise en abime plutôt que la distanciation, le plaisir de la narration et du texte qui n’empêche pas de garder en tête que tout cela n’est qu’une fiction.

 

MAJA MILOS

Notes en vrac

Clip, 1er film choc qui valut à sa réalisatrice (auteur d’un beau court-métrage intitulé Poussière) quelques démêlés avec la censure.

Sorte de pendant serbe au Spring Breakers d’Harmony Korine et aux Ken Park de Larry Clark. Portrait âpre d’une jeunesse pleine de fougue s’opposant à une génération de parents aussi démissionnaires que déprimés.

Chronique tournant autour de tout ce qui semble donner un peu de sel à l’existence de ces adolescents sans repères : le sexe (en premier lieu), la fête, l’alcool, la drogue.

Le tableau pourrait être convenu mais l’intelligence de la cinéaste, c’est de montrer un univers où chaque acte n’existe que lorsqu’il est médiatisé par une image. C’est particulièrement frappant dans la relation entre la jeune héroïne Jasna et son petit ami : mimétisme avec des images déjà vues (dans le cinéma porno), incapacité d’envisager la relation sans qu’elle donne lieu à des images…

Clip pourrait être une sorte de compilation trash de vidéos venues de « Periscope » (où applications similaires) et offre une vision assez effrayante d’un monde d’une transparence totale…

 

SPIELBERG

Notes en vrac

Enfin rattrapé A.I, le film de science-fiction réalisé par Spielberg sur une idée de Kubrick.

Première scène anecdotique mais qui m’a montré pourquoi je n’aime pas ce réalisateur (entre autres !). Présentant un robot féminin, un programmateur lui demande de se déshabiller. Lorsqu’elle commence à déboutonner son chemisier, il l’interrompt et dévoile sous son visage la mécanique du robot. J’y vois un symbole parfait du cinéma de Spielberg, incapable de se coltiner au corps et réduisant la complexité de l’être humain à des émotions univoques, à des stimuli de robots !

On voit ce qui aurait pu séduire Kubrick dans ce récit : le rapport de l’humain à la machine et la possible disparition de celui-là au profit de celle-ci.

Les meilleurs moments se situent dans la première partie du film, lorsque le petit robot parfait et aimant (David) est introduit dans la famille et provoque le malaise en riant trop fort ou en s’abimant en mangeant des épinards. On retrouve çà et là l’idée kubrickienne que quelque chose peut toujours échapper à l’emprise de l’être humain et que même un petit être programmé pour l’amour absolu peut devenir dangereux (la scène où il coupe la mèche de sa « mère », sans doute la meilleure du film)

Le problème, c’est que le cinéma de Spielberg est dénué de « négatif ». Il ne peut pas y avoir de H.A.L chez lui et il faut vite qu’il retrouve les sentiers balisés du mélodrame familialiste.

L’idée que Spielberg se fait de « l’amour » en général me paraît très niaise et infantile (le sourire béat du petit robot), se réduisant à l’amour d’une mère pour son fils (et vice-versa). Opposé à cette vision, le « love robot » incarné par Jude Law dont il ne fait rien (pour l’alliance entre la chair et le métal, Spielberg n’est, hélas, pas Cronenberg)

La réflexion sur le devenir de l’humanité à l’heure de la robotique est vite noyée dans le sirop pleurnichard cher à Spielberg, ce qui nous vaut un finale interminable et vraiment très larmoyant.

Je déteste également la séquence de la « fête à la chair » et j’y vois une comparaison fort douteuse (sorte de Liste de Schindler version futuriste).

Beaucoup à développer sans doute sur l’incapacité de Spielberg d’envisager l’altérité autrement qu’entre le Bien (absolu) ou le Mal (sans nuances). Idem d’ailleurs pour ses personnages.

Ce n’est donc pas aujourd’hui que je me réconcilierai avec le cinéaste !

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