Les promesses dangereuses (1956) de Jean Gourguet avec Françoise Vatel, Rellys, Andrex

 

 

Notre ami Le cinéphage nous a annoncé pour bientôt la diffusion d’un documentaire sur Jean Gourguet. Perspective alléchante qui m’oblige à  faire de vous des spécialistes de cet artisan oublié qui réalisa à la chaîne une flopée de nanars bien démodés.

Après les premiers outrages, on délocalise (de la Bourgogne profonde à l’accent méridional de Sète, peuchère !) mais on prend les mêmes et on recommence. Nous retrouvons avec un plaisir certain la délicieuse Françoise Vatel qui incarne ici une ingénue, fille du rempailleur de chaises, dont s’entiche le cancre du collège (un mauvais larron, fils de bonne famille, surnommé « Chiche »). Comment un tel ange va pouvoir vivre une douce romance avec un voyou qui ose faire des blagues à longueur de journée et va jusqu’à envoyer des pétards chez les honnêtes artisans ? (à ce propos, que fait M.Sarkozy contre la « racaille » de ce type ? des jeunes qui vont jusqu’à oser dire « tu m’enquiquines » !) .

Amours a-priori impossibles, d’autant plus que la tête de turc préféré de cette bande de délinquants est notre brave rempailleur de chaises, père de la Marie-Titite, incarné par l’indéboulonnable Rellys, archétype du bon provençal un peu nigaud mais plein de bon sens et d’humanité. Comme dans les premiers outrages, Gourguet lui a associé cette actrice dont j’ignore le nom mais qui parle avec un accent à couper au couteau en roulant les R plus que de mesure (cette fois, ce n’est plus sa femme mais une belle-sœur acariâtre).

Même type de scénario mélodramatique (avec mauvais garçons, filles légères, prolos sympas et ingénue trompée), même volonté d’émoustiller le collégien de l’époque en lui offrant une scène fugitive où il pourra apercevoir une paire de seins (cette fois, c’est Françoise Vatel qui s’y colle avec une grandeur d’âme qui force le respect) et même fumet réactionnaire et méchamment moralisateur qui se dégage de l’ensemble.

Télérama parle de « sympathique nanar ». Je le trouve pour ma part extrêmement antipathique (quoique assez rigolboche dans l’ensemble !) puisqu’une nouvelle fois, Gourguet nous montre l’impossibilité du mélange de classes, la nécessité de se garder de ses rêveries et de ses passions. Le cinéaste se range derrière le bon gros sens populaire et la sagesse des anciens gorgés de préjugés et d’anisette prônant le renoncement et le sacrifice. Avec son sous-numéro de Raimu jovial et émouvant, Rellys est l’incarnation idéale d’un peuple qui a les pieds sur terre et qui sait rester à sa place sans en demander trop (ah ! la dignité du nécessiteux qui refuse la charité et l’argent des riches !).

 

 

Outre cet aspect idéologique, les films de Gourguet sont l’illustration parfaite de cette phrase prononcée par je ne sais qui (elle est attribuée à beaucoup de monde, parfois à Cocteau) : « la mode, c’est ce qui se démode ». Rarement je n’ai vu des films aussi ringards (au sens strict du terme) que ceux de Gourguet. On imagine parfaitement le tâcheron tentant de coller parfaitement à l’époque sans la comprendre le moins du monde (comparez ce film avec Et Dieu…créa la femme qui date de la même époque !) en se contentant d’enregistrer quelques signes aujourd’hui totalement dépassés (faudrait un dictionnaire aux lycéens d’aujourd’hui pour qu’ils comprennent les « Ah, c’est bath ! » ou l’argot d’Andrex) Tout sonne faux et même le plus borné des flicards actuels sourirait aux « mauvais coups » de ces jeunes « voyous ». Je ne pense d’ailleurs pas que l’époque était moins « dure » et moins « violente » qu’aujourd’hui : c’est juste que le regard d’un cinéaste bourgeois qui fait mine de s’encanailler en 1956 pour gagner de l’argent est totalement faux et ne reflète que la médiocrité d’un cinéma de papa incapable de voir les mutations d’une société (celles qu’allaient révéler brillamment les cinéastes de la « Nouvelle Vague »).

Preuve également que tous les types déjà ringards aujourd’hui (on reparle de Michael Youn ou de Brice de Nice dans 20 ans !) paraîtront aussi poussiéreux dans deux générations que les Gourguet aujourd’hui.

Pas besoin de regarder des films vieux de 50 ans pour voir partout des signes précoces de sénilité…

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