Cimes et châtiments (pour le spectateur...)
Le voyage aux Pyrénées (2008) d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu avec Sabine Azéma, Jean-Pierre Darroussin
Inutile d’insister : je sais que vous allez qualifier ma persévérance de pur masochisme.
En effet, j’ai déjà eu beaucoup de mal à avaler Peindre ou faire l’amour, le très médiocre opus précédent des frères Larrieu et voilà que je remets le couvert ! Mais il faut dire que c’est un tel désert en salle (avez-vous vu Valse avec Bachir ?) que j’ai opté pour le premier titre venu. Eh bien, croyez le ou non : le voyage aux Pyrénées, c’est largement pire que Peindre ou faire l’amour (ce qui, en soi, constitue déjà une gageure !).
Les frères Larrieu semblent visiblement vouloir se spécialiser dans l’exploration de la libido des quinquagénaires bourgeois en goguette à la campagne. Après les vertus de l’échangisme compassé, c’est au tour du naturisme montagnard d’être célébré par les deux frangins. Jugez plutôt : Sabine Azéma et Jean-Pierre Darroussin incarnent un couple de comédiens qui décident de passer quelques jours à la montagne pour se retrouver et calmer les ardeurs de madame atteinte de nymphomanie chronique.
La référence à Rossellini s’arrête au titre et à l’argument du récit (un voyage pour permettre à un couple de faire le point et de s’aimer à nouveau) : c’est plutôt du côté de Max Pécas qu’il faut chercher les influences de ce film (ben oui : vous n’avez pas vu Je suis une nymphomane ?).
Le voyage aux Pyrénées sera, effectivement, une comédie navrante, dépourvue de tout rythme et de toute fantaisie. Le spectateur atterré suivra une interminable promenade dans la montagne avec une improbable rencontre avec un ours libidineux avant qu’un orage propulse l’esprit de l’homme dans le corps de la femme et vice-versa (pardon de tout dévoiler mais c’est tellement crétin que je préfère vous faire faire des économies et vous éviter de vous déplacer pour rien !). A part quelques gags louchant ostensiblement au-dessous de la ceinture et ce gimmick de faire parler Darroussin avec la voix d’Azéma et vice-versa, il n’y a absolument RIEN ! (ah si ! des prêtres qui se baladent à poil dans la nature ! Mais attention : des prêtres progressistes- donc sympathiques- qui aiment la vie et chanter ! Vous voilà prévenus : si l’idée de voir Philippe Katerine la bistouquette à l’air vous enchante, je ne peux plus rien pour vous !). Depuis les grandes heures des navets italiens avec Edwige Fenech, nous n’avions plus vu une telle indigence comique sur grand écran (je dis ça alors que je n’ai jamais vu de films avec Edwige Fenech sur grand écran !).
Le problème, c’est que les Larrieu sont estampillés « auteurs » et que leurs films sont encensés par les Inrockuptibles. Et c’est cette notoriété qui laisse pantois car bien malin qui pourra trouver une trace de mise en scène dans ce Voyage aux Pyrénées : mis à part quelques jolis plans « cartes postales » des montagnes, le film est d’une incroyable pauvreté filmique. Nous sommes en pleine « esthétique de téléfilm » avec ses plans moyens, sa photo moyenne, son montage inexistant si ce n’est pour permettre l’illustration minimum du scénario et des acteurs moyens (Darroussin est plutôt correct mais on est presque gêné parfois pour Sabine Azéma qui grimace ostensiblement).
Tout cela ne prêterait pas à conséquence si le film n’était pas vendu pour ce qu’il n’est pas. Comme Peindre ou faire l’amour, Le voyage aux Pyrénées se drape dans un hédonisme de façade pour tenter de dissimuler une vision totalement conformiste et étriquée du monde. Parlons de « l’érotisme » du film : il est d’une tristesse incroyable (si vous fantasmez sur des massages au chocolat, revoyez plutôt le bain de Carole Laure dans Sweet movie de Makavejev !) et il ne dépasse jamais l’institution sacrée du mariage (comme dans Peindre ou faire l’amour où l’on « n’échangeait » qu’entre bourgeois vieillissants).
Les cinéastes semblent militer avec ferveur pour l’amour après 50 ans (sont-ils officiellement sponsorisés par la pilule Viagra ?) mais ils n’osent jamais se confronter aux corps vieillissants (Sabine Azéma était beaucoup plus sexy dans Cœurs d’Alain Resnais), à la nudité (je suis prêt à parier que c’est une doublure que l’on aperçoit au loin dans la montagne).
C’est sans doute ce qu’il y a de plus agaçant dans tout un pan du cinéma « d’auteur » actuel : on s’affiche « moderne » (quelques dialogues un peu crus, du saut à l’élastique, des ratichons originaux…) mais tout cela suinte le pire des conformismes et l’adhésion moutonnière à toute la laideur d’aujourd’hui.
Si vous voulez vraiment des comédies subversives, revoyez plutôt les films de Mocky ou ceux de Jan Bucquoy…