Du côté des jeunes filles
L’intouchable (2006) de Benoît Jacquot avec Isild Le Besco
Retour aux affaires courantes après une semaine passée dans le Var pour connaître les mêmes sensations que mon petit frère Pierrot (mes veinards de voisins qui habitent dans le Sud ne peuvent pas comprendre !) et malgré la pile impressionnante de DVD qui m’attend (10 films de la RKO à chroniquer, mes enfants !)
Filmer les jeunes filles semble désormais la seule raison qui pousse Benoît Jacquot à faire des films. Ce n’est pas forcément une critique puisque c’est grâce à Judith Godrèche (la désenchantée) puis Virginie Ledoyen (la fille seule, la vie de Marianne), Sandrine Kiberlain (le septième ciel, la fausse suivante) et enfin Isild Le Besco (Sade, A tout de suite) que son cinéma a gagné un peu de chair et de vivacité.
Il ne faudrait pas cependant que cet honorable motif l’amène à tourner des films juste pour tourner, sans désir ni nécessité. Or c’est le sentiment que nous avons en découvrant l’intouchable. Symptomatiquement, ce film pourtant très court (75 minutes si l’on enlève le générique de fin) donne toujours l’impression de faire du remplissage, de ne pas savoir comment avancer.
Son argument est très simple : une jeune comédienne (Jeanne, jouée par Isild Le Besco) découvre qu’elle est la fille d’un intouchable indien. Elle décide alors de partir en Inde pour retrouver ce père qu’elle n’a jamais connu.
Le film est construit en deux parties. La première se déroule en France et me semble catastrophique. Jacquot nous offre une caricature de ce cinéma français intimiste et psychologique étriqué que j’ai de plus en plus de mal à supporter. Dialogues insipides chuchotés (et parfois incompréhensibles), silences ô combien signifiants, mines renfrognées de rigueur : nous sommes en plein cœur de cette nouvelle « qualité française » qui se drape dans des poses « auteuristes » (pardon pour ce néologisme dont j’abuse fréquemment) pour masquer sa vacuité.
C’est sans doute ici que l’impression de remplissage se fait la plus flagrante. Jeanne doit trouver de l’argent pour partir en Inde. Elle décide donc d’accepter un film. Et Jacquot de filmer un interminable passage de « film dans le film » qui n’apporte absolument rien au récit et qui nous offre une digression d’une rare platitude sur la difficulté pour les actrices de tourner des « scènes de lit ».
Lorsque Jeanne arrive en Inde, le film se bonifie un petit peu. Jacquot fait ce qu’il sait le mieux faire : coller aux basques de ses actrices dans un environnement déterminé (par exemple, les couloirs d’hôtel de La fille seule). Le temps d’un plan fixe sur la foule indienne dans une rue colorée et nous voilà revenu au temps des vues Lumière (avec les badauds qui regardent la caméra) et c’est très bien. Loin des clichés touristiques, Jacquot parvient à saisir quelque chose de l’Inde, sa violence (les corps brûlés), ses contrastes et la fascination que ce pays peut exercer sur ceux qui ont eu la chance de le découvrir.
Par contre, lorsqu’il se recentre sur son scénario, le film faiblit et redevient purement illustratif (car à vrai dire, le cinéaste comme le spectateur se foutent éperdument de cette recherche du père qui n’est qu’un prétexte pour voir du pays !). Jacquot ne semble pas avoir confiance en la pure force « documentaire » de son cinéma et se sent obligé d’agrémenter ses déambulations de scènes qui n’apportent absolument rien à son film (la visite d’une nonne avec un homosexuel, la scène de massage, qui a cependant le mérite de ne rien nous cacher des charmes de la belle Isild…)
Au bout du compte, l’intouchable n’a ni la vigueur des petits exercices de style bien tenus de Jacquot (la fille seule, A tout de suite), ni la profondeur que le cinéaste semble vouloir donner à cette quête initiatique.
Dans le genre, et même si je ne l’ai pas revu depuis très longtemps, mieux vaut revoir Nocturne indien d’Alain Corneau…