Attache-moi
Le trio pervers (1981) de Carlos Aured avec Andréa Guzon, Sara Mora
Puisque j’ai décidé de ne vous faire grâce d’aucune promiscuité, nous allons repartir sur les sentiers broussailleux du cinéma bis espagnol juste après avoir été jeter un coup d’œil du côté du cinéma expérimental. Notez que ces notes vous permettent de voyager à peu de frais en compagnie d’un guide de première qualité (qui a soupiré ?). Mais si nous étions restés la dernière fois en compagnie de zombies ibériques ; exotisme rimera cette fois ci avec érotisme. Je sentais bien que vous brûliez d’impatience que j’évoque à nouveau ce noble genre et qu’il y avait dans vos yeux égrillards autant d’impatience que de frustration. Pourquoi n’en parle t’il plus ? Brigue t’il une place à Libération ou à Radio Courtoisie ? S’est-il résolu à la chasteté la plus absolue ?
Que nenni ! les occasions de découvrir d’alléchantes nouveautés ne nous ont tout simplement pas été offertes et je profite du fait que ma sœur semble avoir déserté les lieux et que mes parents sont en Egypte pour m’encanailler à nouveau.
En fait, j’avais surtout envie de découvrir un film de Carlos Aured, docteur es-nanars, dont la carrière est assez comparable à celle de Jésus Franco ou de Léon Klimovsky (dont il fut l’assistant). Il débuta dans le fantastique avant de se reconvertir, libération des mœurs oblige, dans l’érotisme. Ses films (Espanto surge de la Tumba) sont peu sortis en France mais il fut l’un de ceux qui dirigèrent à plusieurs reprises Paul Naschy , le Lon Chaney ibérique, dans l’empreinte de Dracula (où Naschy incarne le loup-garou Waldemar Daninsky) et La venganza de la momia (où l’acteur est la momie). Bref, assez pour faire d’Aured une valeur recherchée par les amateurs de Z à tout crin.
Le trio pervers relève de l’érotisme « soft » le plus classique et ne s’embarrasse pas d’un scénario touffu. Nous y faisons la connaissance d’un homme volage qui veut à tout prix arriver à décoincer sa femme frigide. Avec la complicité d’une de ses maîtresses, il va tenter d’inculquer à Paula les préceptes énoncés par Sade au début de son indispensable Philosophie dans le boudoir :
« Jeunes filles trop longtemps contenues dans les liens absurdes et dangereux d’une vertu fantastique et d’une religion dégoûtante, imitez l’ardente Eugénie, détruisez, foulez aux pieds, avec autant de rapidité qu’elle, tous les préceptes ridicules inculqués par d’imbéciles parents. » (pourquoi n’étudie t’on pas Sade dans les lycées plutôt que des vermines comme Zola, Aragon ou Sartre ?)
Bon, ne nous emballons pas ! Loin du divin Marquis, la « philosophie » du film se résume plutôt à cette réplique mémorable, frappée au coin du bon sens : « Quand on est fatigué, il faut aller se coucher » (on dirait du Marc Lévy !). Ensuite, Aured se contente de filmer une succession de scènes à caractère sexuel (avec un titre comme le trio pervers, vous ne vous attendiez quand même pas à ce que l’on discute le point de croix !) , filmées avec la gracilité d’un hippopotame barbotant dans son bassin.
Comme l’héroïne du film ne semble prendre du plaisir que lorsqu’elle est brusquée, cela donne l’occasion au cinéaste de filmer un peu de « bondage » gentillet, quelques flagellations pas bien méchantes et un peu de sado-masochisme très soft. Vous ajoutez une pincée de saphisme (youpi !) et un peu de triolisme (avec tous ces termes, mon blog va attirer de nouveaux venus !) et voilà le produit bouclé.
Malgré un fond phallocrate un peu rance (c’est normal pour un homme d’avoir une maîtresse mais l’inverse n’est pas concevable), le film n’est pas désagréable malgré sa terrible nullité. Les actrices, semblant taillées par les ciseaux de Praxitèle (c’est juste pour faire un clin d’œil à Boulet qui se moque de mes éloges « fin de siècle » de la beauté féminine. Je sais que ça ne marche absolument pas pour la drague (vaut mieux dire « t’es belle comme une miss Picardie, une fille de la télé, une Ferrari… » ) mais j’assume ma singularité… Pourquoi je vous raconte tout ça ?), sont fort godillantes. Comme le film évite le côté machiniste du porno « hard », on peut prendre un certain plaisir à les contempler dans leurs ébats.
Et si vous n’êtes pas convaincus que ce plaisir sensuel mérite à lui seul un film, je vous renvoie une nouvelle fois à Sade avec qui nous conclurons cette note :
« …convainquez-vous à son école que ce n’est qu’en étendant la sphère de ses goûts et de ses fantaisies, que ce n’est qu’en sacrifiant tout à la volupté, que le malheureux individu connu sous le nom d’homme, ligoté malgré lui sur ce triste univers, peut réussir à semer quelques roses sur les épines de la vie. »