Hors de prix (2006) de Pierre Salvadori avec Audrey Tautou, Gad Elmaleh

 

L’hôtellerie est décidément un lieu propice à la comédie. Après Après vous, Pierre Salvadori fait à nouveau d’un serveur de grand hôtel (joué par Gad Elmaleh) le héros de son film.

Sur un malentendu (elle pense qu’il est un jeune homme richissime), une jeune intrigante (usons d’un euphémisme galant pour caractériser le personnage qu’incarne la ravissante Audrey Tautou) passe la nuit avec ledit serveur qu’elle va plaquer et avant qu’il ne tente de la reconquérir malgré ses origines modestes…

Scénario classique qui renvoie d’ailleurs à toute une tradition de la comédie hollywoodienne classique mettant en scène des « chercheuses d’or » (ces jeunes femmes fauchées qui comptent sur leurs charmes pour épouser des vieillards chenus mais milliardaires). Au mieux, Pierre Salvadori aurait pu réaliser un film à la Mitchell Leisen et l’on songe d’ailleurs à des films comme La baronne de minuit ou, surtout, à Hands across the table où Carole Lombard et Fred McMurray usaient de leurs charmes respectifs pour séduire des partenaires plus riches qu’eux avant de tomber dans les bras l’un de l’autre.

Malheureusement, la comparaison s’arrête là et il faut bien avouer que Pierre Salvadori, cinéaste pourtant estimable et intéressant (j’aime bien Les apprentis ou Comme elle respire) rate le coche pour plusieurs raisons.

Première raison : une grossière erreur de casting, à mon avis. Même si on est loin de Claudette Colbert ou de Carole Lombard, Audrey Tautou s’en tire plutôt pas mal et nous sommes content de la voir quitter les rôles d’héroïnes gentilles et asexuées qu’elle a tenus chez Jeunet. Le problème, c’est que face à elle, Gad Elmaleh a le charisme d’un beignet ! Son jeu limité de charmeur usant de son regard clair pour faire craquer les filles est terriblement terne et l’on regrette énormément l’abattage comique d’un José Garcia qui parvenait à faire oublier certaines faiblesses d’Après vous.

Deuxième raison : une mise en scène assez peu inspirée et d’une banalité assez étonnante de la part de Salvadori qui n’a sans doute jamais été Lubitsch mais qui savait fort bien construire des gags avec une certaine élégance que l’on retrouve très rarement ici (à quelques jolies ellipses près, notamment lors de la première rencontre entre Jean et Irène). Hors de prix manque de rythme et s’avère, au final, assez rarement drôle.

Enfin, la dernière raison de l’échec du film me semble tenir au rapport que le cinéaste entretient avec l’argent et le luxe. Dans une comédie américaine classique, la question ne se pose pas réellement : les personnages ne sont jamais dupes d’un luxe qui existe mais ne s’étale pas. Ce qui compte d’abord, c’est la vérité des sentiments s’opposant aux faux-semblants et à la vacuité des apparences. Chez Salvadori, le happy-end convenu pourrait nous laisser croire que c’est la même chose. Or il y a un rapport ambigu au luxe que je trouve très français et qui consiste à jouer la carte du mépris pour caresser dans le sens du poil le spectateur lambda (voir la première séquence où Gad Elmaleh promène les chiens de mémères ridicules) tout en ne cachant pas une fascination assez « malsaine » pour ce luxe. Malsaine parce qu’il y a un vrai cynisme dans ce film où l’argent n’est recherché que pour l’argent. Lorsque Jean et Irène commencent à devenir « complices », ils ne pensent qu’à plumer plus leurs riches partenaires respectifs. Le luxe n’est pas un moyen de se débarrasser des contingences matérielles pour s’adonner aux seules choses qui vaillent dans la vie (l’amour, l’art, l’oisiveté : Cf. Lubitsch) mais un moyen de s’afficher (voir la manière dont le film exhibe éhontément les grandes marques qui ont du apporter leurs contributions pécuniaires) et d’être clinquant. Du coup, au lieu de l’aristocratique élégance des comédies classiques hollywoodiennes, Hors de prix n’est pas exempt d’une certaine vulgarité caractéristique du « nouveau riche ».

Mais ce qui est plus grave, c’est que les personnages restent toujours à ce cynisme de bas étage. Alors que Salvadori sut brosser des portraits attachants de personnages pas forcément « sympathiques » (les minables braqueurs des Apprentis, la mythomane de Comme elle respire…), on n’arrive jamais ici à s’attacher à eux.

Tout simplement parce que leurs ambitions sont à la mesure de notre époque : clinquantes, vulgaires et dénuées de toute grandeur…

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