Les fleurs du miel (1975) de et avec Claude Faraldo et Brigitte Fossey

 

 

Nous parlions il y a peu de cette catégorie de cinéastes qui débutèrent en fanfare avant de s’effondrer par la suite sans tenir leurs promesses. Faraldo aurait un peu le même type de profil bien qu’il soit exagéré de dire que nous attendions monts et merveilles de ce cinéaste. Il fut plutôt le produit d’une époque (mai 68) et sut nous offrir de gloupitants brûlots libertaires (Bof, anatomie d’un livreur que je rêve de découvrir et l’excellent Themroc) qui resteront comme ses meilleurs films. Par la suite, alors que les années l’éloignaient de cette splendide onde de choc rouge et noire, son cinéma perdit sa verve et sa rage et finit dans l’anonymat le plus complet (Flagrant désir,  polar psychologique anémié et des téléfilms).

D’une certaine manière, ces Fleurs du miel sont assez emblématiques du virage effectué par Faraldo. L’action du film se déroule le temps d’une soirée. Un couple bourgeois, vivant dans une maison cossue, se dispute. La femme (Brigitte Fossey) veut soudain faire l’expérience de la liberté et invite à sa table un modeste livreur (Faraldo himself) avec qui elle est bien décidée à faire l’amour…

 

 

A propos de ce film, il est écrit dans La saison cinématographique 76 : « Le style de Faraldo, c’est le bon cinéma traditionnel romanesque enrichi des acquis essentiels du cinéma moderne ». Traduisons. Par « acquis essentiels du cinéma moderne », il faut certainement entendre cet hallucinant panoramique sur une chambre à coucher où Faraldo détaille toute une série d’affiches de cinéma (de la maman et la putain à cris et chuchotements en passant par la dolce vita et Au nom du père) et termine en laissant sa caméra se refléter dans un miroir. C’est certainement ce que l’on nomme la distanciation, camarade ! Bref, toutes ces références (bien évidemment écrasantes) semblent là pour nous dire que tout ça, c’est du sérieux et que nous sommes dans du « vrai » cinéma psychologique. De la « modernité », Faraldo ne retient que certains tics (le culte du plan-séquence, des silences forcément expressifs…) et se contente ici de ne pas monter son film. Lorsque Brigitte Fossey prépare des ti-punch ou débarrasse la table, le spectateur se mange toute « l’action » (la seule ellipse que s’autorise Faraldo, c’est la scène d’amour. En deux mots, le seul moment où l’intérêt aurait pu renaître !). Je n’ai rien contre les films épurés (au contraire) mais ici, tout paraît affecté et artificiel pour la bonne et simple raison que cette forme languissante est au service d’une chronique bourgeoise sans intérêt.

Là encore, on voit l’évolution depuis 68. La liberté n’est plus ici envisagée comme un mode de vie mais comme une « expérience » à vivre dans le cadre le plus rance qui soit. Plus de contestation globale dans Les fleurs du miel mais une apologie de l’encanaillement bourgeois, de l’adultère comme panacée libertaire ! Ce film m’a fait souvent penser au récent (et très médiocre) Peindre ou faire l’amour (quoique le film des Larrieu passe presque pour baroque comparé à celui-là, c’est dire !). Il n’est jamais question ici de désir ou d’amour fou (même s’ils se cocufient, les couples « s’aiment ») mais d’une manière de tromper l’ennui bourgeois en s’achetant de temps en temps un petit frisson. Et qu’on ne vienne pas me parler de « rapports de classes » comme le font la plupart des papiers sur ce film : à ce compte là, les innombrables pornos de cette époque mettant en scène de grandes bourgeoises pâmées d’extase sous les saillies de laitiers testiculeux ou de plombiers lubriques sont des brûlots marxistes !

 

 

De ce film sans le moindre intérêt, je ne sauverais que l’interprétation de Brigitte Fossey. Je dois dire que l’actrice ne m’a jamais paru aussi belle et rayonnante. Elle illumine cette terne chronique qui ne m’a arraché que quelques bâillements…

 

 

 

 

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