Vengeance réchauffée
Old boy (2004) de Park Chan-Wook
Les précédents films de Park Chan-Wook (je parle de ceux que j’ai vus : Joint Security Aera et Sympathy for Mr Vengeance) ne m’avaient pas beaucoup plu et j’ai retrouvé dans Old boy les défauts qui m’exaspéraient déjà dans les deux œuvres citées. A tel point que je ne comprends absolument pas le flot d’éloges qu’obtint ce film (un grand prix à Cannes, tout de même !) et cet engouement pour un cinéaste qui me paraît très surestimé.
Comme dans Sympathy for Mr Vengeance, il s’agit à nouveau d’une histoire de vengeance. Un homme est enlevé en pleine rue et se retrouve prisonnier sans raison apparente dans un petit appartement pendant 15 ans. A la fin de cette période d’incarcération, il est libéré sans explication et tente alors de retrouver ses geôliers pour se venger et comprendre les raisons de cette captivité (expérimentations scientifiques ? tests ?...).
La réponse à toutes ces questions sera finalement assez banale mais je ne vous la révèlerai pas. Toujours est-il que nous étions en mesure d’attendre du film qu’il aborde des thèmes riches de promesses fictionnelles et narratives comme le contrôle total des individus, la manipulation par l’hypnose, les expérimentations sur le psychisme et la volonté… Las ! Une fois que l’énigme est résolue, Old boy a tendance à s’affaisser comme un soufflé raté et ne laisse alors plus que les traces des ficelles d’un thriller assez artificiel. N’est pas Kubrick qui veut et ceux qui espéraient l’Orange mécanique des années 2000 risquent d’être fort déçus.
Mais ce qui m’a surtout agacé dans Old boy, et que j’avais déjà perçu très fortement dans l’anecdotique JSA, c’est l’absence totale de style de Park Chan-Wook. Je ne dis pas que cet homme ne sait pas filmer puisqu’il faudrait être malhonnête pour ne pas lui reconnaître une certaine efficacité qui nous préserve, malgré quelques longueurs ça et là, du moindre ennui. Néanmoins, le film ne me paraît absolument pas porter de signature particulière : c’est un catalogue d’effets visuels très modes mais sans point de vue, sans idées. Si, plus tard, l’on veut savoir à quoi ressemblait ce qui « marchait » visuellement dans les années 2OOO, on pourra regarder Old boy et son esthétique tapageuse mais à part ça, le film n’apportera pas grand-chose…
JSA me paraissait déjà une tentative assez vaine de démarquer les thrillers à « l’américaine ». En présentant Old boy, l’animateur appointé par la chaîne câblée a parlé de Park comme d’un David Fincher coréen. C’est exactement ça ! Sauf qu’il entendait certainement cela comme un grand compliment alors que dans mon esprit, c’est l’image même de ce qui se fait de plus horripilant dans le cinéma américain contemporain. Old boy, c’est un peu la même chose (le scénario rappelle d’ailleurs parfois le très médiocre The game) : filtres colorés, cadres tarabiscotés, mouvements de caméra alambiqués… Pourquoi pas sauf que cette virtuosité est totalement gratuite et ne répond à aucun désir d’affirmer un regard. Je me répète mais certains persistent à reprocher à Wong Kar-Waï sa sophistication formelle. Mais chez lui, elle répond exactement au propos de ses films (prendre le pouls de la ville, jouer sur la sensation très prégnante de l’écoulement du temps…). Chez Park, c’est le clin d’œil du petit malin qui connaît son Tarantino, ses Coen et son Kitano par cœur et qui les imite assez servilement.
Et puis franchement, il m’a semblé hier soir arriver à une certaine dose de saturation : ces héros mutiques asiatiques, cigarettes au bec, j’en ai croisé des milliers depuis 10 ans et du coup, je n’y ai plus vu que de la pose. Idem pour la violence ! Dieu sait que je ne suis pas bégueule en la matière et malgré ce qu’a pu dire la presse, le film ne franchit pas de grosses limites mais les scènes-choc m’ont là encore paru gratuite et déplaisante.
Voilà ! Old boy m’a semblé assez vide. Je pensais à Kill Bill (je donne tout Park contre dix minutes du film de Tarantino !) et je me disais qu’il y avait un très beau personnage dans ce film, très fouillé ; qu’il y avait une richesse narrative et une jubilation de filmer à chaque plan. Ici, le « héros » est assez transparent et ne m’a absolument pas touché. Quant à la narration, elle m’a semblé complètement vérolé par les tics à la mode de mise en scène.
Mais je sais que ce film a ses défenseurs : je serais ravi de les accueillir en ce lieu pour qu’ils m’expliquent ce qui leur a tant plu dans Old Boy…