Reprenons la mouche
Return of the fly (1959) d’Edward Bernds avec Vincent Price
Replongeons, si vous le voulez bien, avec délice dans l’univers merveilleux de notre bonne vieille série Z américaine. Nous évoquions il y a peu le cas de William Beaudine et je suis heureux de pouvoir vous toucher un mot d’Edward Bernds dont la carrière est un peu similaire au sus-nommé. Bernds débuta effectivement comme cinéaste burlesque, filmant huit des aventures de Bowery Boys (voir ici) et quelques courts et longs métrages du trio burlesque les Stooges que beaucoup considèrent comme « les amuseurs les plus nullissimement nuls et les plus désespérément vulgaires de tous les temps » [Noël Godin] (nous rêvons de découvrir son The three Stooges meets Hercule, considéré par le même Godin comme « le Moby Dick du péplum parodique »). Par la suite, il s’aventura de la même manière dans le domaine de la science-fiction miteuse et du « space-opéra » ringard (son Queen of outer space avec Zsa Zsa Gabor a l’air de valoir son pesant de fous-rires involontaires).
La mouche, pour beaucoup d’entre-nous, évoque d’emblée le chef-d’œuvre de Cronenberg qui, sur un postulat fantastique, a réussi à bâtir une fable admirable et visionnaire sur la contamination, le processus de la maladie et les mutations de la chair à notre époque de haut développement technologique. Or ce film s’inspirait d’une petite série B de 1958, la mouche noire (je ne l’ai pas revue depuis très longtemps), réalisée par Kurt Neumann (jusqu’alors spécialiste des aventures exotiques de Tarzan !). On se souvient tous de l’intrigue de ce film, que je rappelle néanmoins à l’attention de mes éventuels lecteurs de droite, hermétiques à toute forme de culture non-estampillée par Le Figaro ou le Monde ! Un savant a réussi à inventer une machine permettant de téléporter la matière d’un endroit à un autre. Malheureusement, à l’instant où il inaugure lui-même l’expérience, une mouche s’introduit dans sa cabine et le voilà devenu créature mutante avec une tête et un bras de mouche (ce qui n’est pas pratique, vous en conviendrez, pour emballer !). Le film de Neumann était pessimiste puisque le savant demandait à sa femme de l’abattre.
Bernds reprend le film où il en était resté. C’est le fils, malgré les avertissements réitérés de son sage oncle (incarné par l’immense Vincent Price), qui reprend les expériences de son père et avec l’aide d’un assistant, remet sur pieds les machines à téléporter (en fait, des espèces de cabines téléphoniques !)
Je parlais de série Z au début de cette note. Soyons honnête, Return of the fly est loin d’être aussi fauché que les oeuvres de William Beaudine et ne relève pas foncièrement de cette catégorie. Le film est produit par la Fox, filmé en cinémascope et, stupeur ! il s’avère éclairé et plutôt pas mal photographié. La mise en scène ne casse pas trois pattes à un canard et n ‘est pas dénuée d’une certaine lourdeur dans la mesure où Bernds se contente de filmer de manière très plan-plan d’incessants bavardages.
C’est donc du côté des effets spéciaux et d’un scénario franchement déjanté qu’il va falloir aller jeter un œil pour prendre un petit plaisir pervers à cette pépite ringarde. L’assistant de notre savant tombe vite le masque du traître félon et la machine va être utilisée comme « arme de guerre ». Après une bagarre, cela commence par la téléportation d’un flic et d’un cochon d’Inde (le résultat est assez gloupitant, notre poulet se retrouvant avec les quatre pattes de l’animal !) puis par un nouveau voyage du héros avec une mouche (tradition familiale oblige !). Sauf que cette fois, notre mouche veut se venger et file à l’anglaise pour retrouver les coupables. Si je vous dis que le costume de l’acteur ressemble d’avantage à un casque de cosmonaute (qu’il semble perdre dans une scène de fuite et qu’il est obligé de remettre d’aplomb pendant sa course !) qu’à une tête d’insecte ; vous aurez compris que chacune de ses apparitions déclenche l’hilarité. Jusqu’à un final stupéfiant où notre homme-mouche est remis dans la cabine avec la mouche à tête d’homme (ben oui, je ne vous l’ai pas dit mais celle ci traîne toujours dans le labo !) et retrouve par enchantement sa forme initiale. C’est beau, la science !