Ce qu'il restera de nous (2011) de Vincent Macaigne avec Thibault Lacroix, Laure Calamy

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Je devais vous parler aujourd'hui d'un programme de courts-métrages mais, malheureusement, une défaillance technique ne nous a pas permis de voir Le marin masqué de Sophie Letourneur. Du coup, il ne sera question que de Ce qu'il restera de nous de Vincent Macaigne, homme de théâtre et comédien qu'on a pu admirer chez Guillaume Brac (Un monde sans femmes) et qui s'est déjà taillé une petite réputation de cinéaste en remportant le grand prix du festival de Clermont-Ferrand cette année.

 

Sur le papier, ce moyen-métrage n'a rien de follement exaltant puisqu'il raconte la confrontation douloureuse de deux frères à la mort de leur père. Le côté « théâtral » du film fait également frémir dans un premier temps, lorsqu'on écoute Thibault éructer un monologue où il exprime sa vision nietzschéenne du monde. Mais très vite, on se rendra compte que Macaigne parvient fort bien à « dépasser » le théâtre : non pas en optant pour un naturalisme rance mais en parvenant à transfigurer la matière théâtrale par un excès qu'il pousse au paroxysme, frisant parfois l'hystérie (on pense un peu aux psychodrames de Doillon ou de Zulawski).

Il y arrive également par un sens déjà très affirmé du cadre : format 4/3, géométrisation des plans, utilisation de la profondeur de champ... Si l'image n'est pas toujours parfaite (les limites du mini-DV), Ce qu'il restera de nous témoigne déjà d'un véritable sens de l'espace et des durées.

 

Pour ce qui est du « fond », Macaigne nous livre une œuvre très noire qui montre comment un événement tragique à un moment donné de la vie (la mort du père) peut réduire des vies en miettes . Ce qu'il restera de nous est un film de ruines, à l'image de cette vieille R5 que Thibault a brûlée et dont il enterre de manière pathétique le pot d'échappement dans le jardin familial. Le film évoque donc tout cela : les ruines d'une enfance définitivement enfouie, les ruines d'une famille qui se déchire sans doute pour la dernière fois (la rupture entre les deux frères semble irrémédiable), la ruine des illusions et des espoirs de jeunesse (devenir pianiste pour Anthony tandis que Thibault, artiste visiblement raté, continue de peindre), ruine d'un couple en piteux état (celui d'Anthony et Laure) après la mort du père...

Ces thèmes, le cinéma français les a souvent traités pour ne pas dire ressassés. Mais c'est là que la théâtralité à laquelle Macaigne a recours s'avère payante.

 

Ce qu'il restera de nous est structuré autour de quatre grands monologues : deux de Thibault (qui s'adresse dans un premier temps à un ami puis, dans la cave, à son frère), un (très cru) d'Anthony dans la voiture où l'écoute Laure et enfin, la longue tirade désespérée de Laure.

En se focalisant sur cette logorrhée, Vincent Macaigne se place dans le sillage de Jean Eustache et de sa Maman et la putain (le monologue de Laure m'a un peu fait penser à celui de Françoise Lebrun) : il transcende le naturalisme, frise une certaine hystérie surjouée mais parvient, en épuisant à fond ses figures, à faire surgir une vérité humaine d'autant plus bouleversante que derrière les orages les plus violents perce parfois un petit rayon de soleil (le baiser dans la voiture à la fin du film est beau à pleurer).

 

Ce qu'il restera de nous n'est pas un film confortable et se reçoit davantage comme un uppercut en plein estomac que comme un « objet gentil ». Que reste-t-il de ces vies en miettes ? Plus grand chose, sans doute.

« Je n'ai plus de force », hurle Laure à Anthony : le film n'en manque pas pourtant et son élégance est de parvenir à ne pas se complaire dans la noirceur la plus totale.

 

C'est donc avec impatience qu'on attend un nouveau film de Vincent Macaigne...

 

 

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